C’est un air de déjà-vu qui souffle sur le Sud-Ouest de la France. Dix mois après une première vague de mobilisation, les agriculteurs ont repris le flambeau de la contestation ce mardi, sous la houlette de la Coordination Rurale. Ce syndicat particulièrement remuant n’a pas hésité à employer les grands moyens pour faire entendre la voix des exploitants agricoles : fumier déversé, pneus brûlés et bonnets jaunes, couleur emblématique du mouvement.
Une contestation qui s’enracine en Lot-et-Garonne
C’est à Agen, fief historique de la Coordination Rurale, que le coup d’envoi de cette nouvelle séquence de protestation a été donné. Comme en janvier dernier, une centaine de tracteurs ont convergé vers la préfecture pour y déverser des bennes de détritus. Des scènes similaires ont été observées dans d’autres villes de la région, notamment à Bordeaux.
Selon une source proche du dossier, la facture de nettoyage des dégâts causés en début d’année s’élèverait à 400 000 euros pour l’agglomération agenaise. Un coût que les autorités locales ne souhaitaient pas voir se rééditer. Malgré un échange téléphonique tendu avec le préfet, qui voulait éviter “la pire situation de France”, les manifestants ont finalement pu approcher du bâtiment officiel après le retrait des barrières anti-émeutes et des forces de l’ordre.
Un dialogue de sourds avec le gouvernement
Au cœur des revendications de la Coordination Rurale, on retrouve des demandes récurrentes : des baisses de charges et des mesures pour garantir la compétitivité des agriculteurs français face à leurs homologues européens. “Si on arrive à travailler avec la même réglementation partout en Europe, je vous garantis que nous serons compétitifs”, martèle Karine Duc, coprésidente de la CR47.
Mais malgré une rencontre avec des représentants de l’État, les responsables syndicaux sont ressortis bredouilles et amers. “On n’a pas de réponse ce soir, on n’aura pas de réponse tout court. […] Ça veut dire que vous pouvez crever”, ont-ils déclaré, escortés par les forces de l’ordre à leur sortie de la préfecture.
Accord du Mercosur et concurrence déloyale pointés du doigt
Parmi les griefs exprimés par le syndicat figure l’accord commercial controversé entre l’Union européenne et les pays du Mercosur, actuellement en cours de négociation. Un texte qui cristallise les inquiétudes du monde paysan quant à une concurrence jugée déloyale.
Nous n’avons pas peur de la concurrence, c’est la concurrence déloyale qui est insupportable
Karine Duc, coprésidente de la CR47
Les centrales d’achat et le fret alimentaire dans le viseur
Face à ce qu’elle considère comme une absence de réponse satisfaisante de la part du gouvernement, la Coordination Rurale appelle à bloquer le fret alimentaire dès ce mercredi. “On bloquera tout ce qu’il y a besoin de bloquer pour qu’enfin on nous écoute”, prévient José Perez, autre figure du syndicat.
Les centrales d’achat de la grande distribution pourraient ainsi être prises pour cibles dans plusieurs départements, de la Charente au Tarn-et-Garonne en passant par la Gironde ou les Landes. Des actions similaires pourraient également avoir lieu dans d’autres régions, comme à Brive en Corrèze.
Le gouvernement appelle au dialogue, les agriculteurs attendent des actes
Du côté des autorités, on tente de temporiser en réaffirmant une volonté de dialogue. “On va remonter une note à la fois à la ministre de l’Agriculture et au Premier ministre, en essayant d’identifier les priorités absolues”, a déclaré le préfet de région à Bordeaux. Une main tendue qui peine toutefois à convaincre des agriculteurs excédés, pour qui seuls des engagements fermes et des mesures concrètes pourront mettre fin à la gronde.
Alors que la mobilisation s’annonce intense et durable, l’exécutif se retrouve une nouvelle fois face à un défi de taille. Réussir à apaiser les tensions et à répondre aux attentes du monde agricole tout en tenant compte des contraintes budgétaires et des engagements européens de la France. Un numéro d’équilibriste périlleux qui, s’il échoue, pourrait attiser un peu plus la colère des campagnes.
