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Mobilisation à Nancy : Le voile divise l’association ARS

À Nancy, la clause de neutralité imposée par l'association ARS divise. Deux salariées voilées risquent le licenciement, déclenchant une vague de soutien. La tension monte autour de la place de la religion en entreprise. Retour sur une polémique qui enflamme le débat.

Ce mercredi, les rues de Nancy ont vibré au rythme d’une mobilisation peu ordinaire. Environ 150 personnes se sont rassemblées devant les locaux de l’association Accueil et Réinsertion Sociale (ARS) pour dénoncer la mise en place d’une clause de neutralité visant deux salariées portant le voile islamique. Une décision qui pourrait conduire à leur licenciement si elles refusent de retirer leur couvre-chef.

Alors qu’un conseil d’administration se tenait à huis clos, les manifestants ont maintenu la pression, scandant des slogans tels que “On est là”, “Laïcité, diversité, fierté” ou encore “Non à la dissolution des valeurs”. Une foule composée de collègues des deux femmes concernées, mais aussi de militants et de syndicalistes venus leur apporter leur soutien.

Une clause de neutralité qui divise

Au cœur du litige : la nouvelle clause de neutralité intégrée fin décembre dans le règlement intérieur de l’association et mise en application le 10 août dernier. Si les deux salariées refusent de s’y plier en retirant leur voile, elles s’exposent à un licenciement. Une situation intenable pour beaucoup au sein de la structure. Philippe Blouet, éducateur spécialisé et délégué syndical, souligne l’impact psychologique de cette médiatisation sur les deux principales intéressées, actuellement en arrêt maladie.

Malgré la pression, l’association ARS a confirmé que la clause controversée ne serait “ni suspendue ni retirée“. Sa présidente, Valérie Jurin, évoque la mise en place d’un “plan Marshall” pour redéfinir les notions de laïcité et de neutralité qui “irriguent le travail social“. L’objectif : aboutir à la rédaction d’une charte sur la laïcité en interne.

Un travail salué par les collègues

Adoum Djibrine, lui aussi délégué syndical chez Sud, connaît bien les deux salariées menacées, avec qui il travaille depuis plusieurs années. Il salue leur engagement :

Elles font un travail formidable. Elles ont mis en place des projets pour l’émancipation des femmes et des actions à destination des femmes.

– Adoum Djibrine, délégué syndical

Une mobilisation qui illustre les tensions actuelles autour de la place de la religion dans la sphère professionnelle. Si aucune procédure de licenciement n’a pour l’heure été engagée, le sujet continue de diviser en interne comme en externe. La recherche d’un équilibre entre respect des convictions individuelles et neutralité dans l’espace de travail s’annonce délicate.

Le voile, sujet sensible en entreprise

Le port de signes religieux en entreprise reste un sujet épineux en France. Si la loi n’interdit pas explicitement le voile en dehors de la fonction publique et des entreprises privées assurant une mission de service public, la question continue de faire débat. En 2017, la Cour de justice de l’Union européenne a ouvert la voie à d’éventuelles restrictions sous conditions.

Chaque structure est ainsi amenée à définir sa propre politique en la matière, en veillant à respecter un équilibre délicat entre liberté religieuse et neutralité. Une équation complexe qui peut conduire à des situations conflictuelles comme celle vécue actuellement au sein de l’association ARS.

Vers une résolution du conflit ?

Si la direction de l’association ne semble pas décidée à faire marche arrière, le dialogue n’est pour autant pas rompu. Les deux salariées concernées ont demandé à connaître le montant des indemnités auxquelles elles pourraient prétendre en cas de rupture de leur contrat ou de licenciement. Une façon de préparer l’avenir en envisageant le pire.

De leur côté, les soutiens ne baissent pas les bras et comptent maintenir la pression dans les prochains jours. L’objectif : obtenir le retrait pur et simple de la clause de neutralité afin que les deux employées puissent continuer à travailler sereinement au sein de la structure, avec leur voile.

Une affaire qui est loin d’être terminée et qui illustre toute la complexité du débat autour de la place de la religion au travail. Entre respect des convictions de chacun et impératif de neutralité, l’équilibre reste fragile. Et c’est toute la société française qui se retrouve, une nouvelle fois, confrontée à ses contradictions sur ces questions sensibles.

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