La réouverture tant attendue de la cathédrale Notre-Dame de Paris, gravement endommagée par un incendie en 2019, s’accompagne d’une polémique inattendue. Au cœur des débats : les choix en matière d’aménagement intérieur et de mobilier, jugés par certains en décalage avec l’esprit du lieu. Retour sur un projet qui divise.
Un parti pris résolument contemporain
Pour meubler la nef et le chœur de l’édifice gothique, les responsables du chantier ont opté pour un mobilier aux lignes épurées et aux matériaux modernes, à mille lieues des bancs et prie-Dieu traditionnels. Le designer Guillaume Bardet, chargé de concevoir ce nouveau mobilier, assume ce parti pris :
Nous avons choisi le bronze, qui s’est imposé pour pouvoir exister sans hurler, sans « sur-montrer ».
Guillaume Bardet, designer
Ainsi, les fidèles prendront place sur des chaises au design minimaliste, en bois clair et métal. L’autel, pièce maîtresse de la cathédrale, arbore lui aussi une esthétique dépouillée qui tranche avec la richesse ornementale de l’ensemble.
Entre modernité et respect du patrimoine
Si cette orientation stylistique est saluée par certains comme une manière de revitaliser Notre-Dame et de l’ancrer dans le XXIe siècle, d’autres y voient une forme de trahison de son histoire et de son identité. Des voix s’élèvent pour dénoncer un mobilier standardisé, sans âme, qui viendrait dénaturer un joyau de l’architecture sacrée.
Les partisans d’une approche plus conservatrice militent pour des aménagements en harmonie avec le style gothique, s’appuyant sur les savoir-faire des artisans d’art. Ils pointent du doigt le manque de confort des assises choisies et s’interrogent sur leur pérennité.
Un symbole fort pour Notre-Dame
Au-delà des questions esthétiques, c’est la dimension symbolique de ces choix qui est en jeu. Pour les uns, ce mobilier novateur incarne la renaissance de la cathédrale, sa capacité à traverser les époques et à se réinventer après l’épreuve du feu. Pour les autres, il témoigne d’une forme de rupture avec son essence spirituelle profonde.
Le débat promet de rester vif à l’approche de la réouverture officielle de Notre-Dame au public. Certains appellent déjà à un réexamen du projet, voire à un retour à des options plus classiques. Les responsables, eux, assument leurs décisions et invitent les critiques à dépasser leurs a priori pour apprécier la sobriété et la force de ce parti pris contemporain.
Mobilier d’églises : un sujet sensible
La question de l’aménagement intérieur des édifices religieux est régulièrement source de frictions entre les tenants de la tradition et ceux d’une nécessaire évolution. Trouver le juste équilibre entre préservation patrimoniale et ouverture à la modernité relève souvent du défi.
Le cas de Notre-Dame est d’autant plus sensible qu’il s’agit d’un monument iconique, cher au cœur des Parisiens comme à celui des admirateurs du monde entier. Toute intervention en son sein est scrutée et soupesée, comparée à l’aune de son illustre passé.
Vers un apaisement des tensions ?
Face à la polémique naissante, certains appellent à dépasser les clivages et à considérer ce nouveau mobilier pour ce qu’il est : une création originale, fruit d’une réflexion poussée pour s’intégrer à l’écrin exceptionnel de la cathédrale sans le dénaturer.
D’autres voix, plus conciliantes, invitent à laisser le temps faire son œuvre et à se forger un avis sur pièce, une fois la cathédrale rouverte. Elles rappellent que nombre d’ajouts d’époques diverses cohabitent harmonieusement en son sein depuis des siècles.
Une chose est sûre : ces débats passionnés témoignent de l’attachement profond que suscite Notre-Dame et de la volonté de lui offrir une seconde vie à la hauteur de son rang. Reste à savoir si ce mobilier audacieux trouvera sa place dans le cœur des fidèles et des visiteurs. Réponse dans quelques semaines, lors des premières messes et des premiers pas sous ses voûtes rénovées.
