En autorisant l’Ukraine à utiliser des missiles de longue portée américains pour frapper le territoire russe, le président Joe Biden vient d’accéder à une demande de longue date de Kiev. Mais ce feu vert, qui intervient deux mois avant le retour au pouvoir du républicain Donald Trump très critique de l’aide à l’Ukraine, ressemble davantage à une victoire en trompe-l’œil qu’à un tournant décisif dans le conflit.
Une décision tardive et limitée sur le plan tactique
Malgré ce coup de pouce de Washington, l’armée russe poursuit inexorablement son avancée dans l’Est ukrainien. D’après une analyse de l’AFP basée sur les données de l’Institut américain pour l’étude de la guerre (ISW), les forces russes ont conquis 60 km² supplémentaires ce week-end, soit 458 km² depuis début novembre. Un record mensuel qui sera probablement battu.
Comme l’explique un haut responsable militaire français :
Poutine n’est pas encore aux limites du Donbass. Tant qu’il n’y est pas, il va continuer à pousser. Si on regarde froidement le rapport de forces, l’avantage est côté russe.
Et les quelques missiles ATACMS d’une portée de 300 km ne changeront pas fondamentalement la donne, estiment de nombreux experts :
- Leur nombre sera très limité
- Les lanceurs à proximité du front seront vulnérables
- Les ressources critiques russes sont depuis longtemps hors de portée
- Les missiles russes S-400 peuvent les intercepter
Pourquoi une décision si tardive ?
Le feu vert de Washington intervient après des mois de lobbying incessant de Kiev, comme pour les chars lourds ou les avions de chasse. Plusieurs experts y voient un calcul d’abord politique, alors que la situation militaire et l’essoufflement occidental pourraient contraindre l’Ukraine à négocier en position de faiblesse dès 2025.
Des motivations intérieures et étrangères
Sur le plan intérieur américain, Donald Trump récupérera dans deux mois les clefs de la Maison Blanche et pourrait revenir sur cette autorisation. L’administration Biden cherche donc à fournir rapidement toute l’aide promise.
Mais il s’agit aussi d’un message envoyé à la Chine et la Corée du Nord qui soutiennent Moscou, notamment via l’envoi de milliers de soldats nord-coréens sur le front. Washington veut montrer que ce soutien aura un prix.
Une autorisation à géométrie variable ?
Reste à savoir si Kiev pourra frapper n’importe quelle cible en Russie ou seulement celles liées au soutien nord-coréen. Ce point demeure ambigu. Certains estiment également que cette décision pourrait servir de monnaie d’échange en vue de futures négociations avec le Kremlin.
Mais avec l’imprévisible Donald Trump qui s’apprête à reprendre les commandes, difficile de prédire l’évolution de la position américaine et ses conséquences sur le conflit dans les mois à venir. Le feu vert des missiles de longue portée apparaît finalement bien timide et incertain.