Le parquet européen tire la sonnette d’alarme. Alors qu’il menait une enquête d’envergure sur un vaste système de corruption en Croatie, impliquant le ministre de la Santé lui-même, il a été brutalement dessaisi de l’affaire. Un coup de théâtre qui en dit long sur l’état de déliquescence de l’État de droit dans le pays.
Un scandale qui éclabousse les plus hautes sphères de l’État
Tout a commencé quand des procureurs européens basés à Zagreb ont ouvert une enquête sur un groupe de huit personnes, dont le ministre de la Santé Vili Beros, soupçonnées de corruption, d’abus de pouvoir et de blanchiment d’argent. Selon leurs investigations, ce réseau permettait d’obtenir des gains financiers indus via l’achat d’équipements médicaux pour les hôpitaux publics, financés en partie par des fonds européens.
Un système bien rodé qui a permis à certains de s’enrichir grassement sur le dos des contribuables croates et européens. Mais alors que l’enquête du parquet européen progressait et s’apprêtait à faire tomber de nombreuses têtes, la justice croate a soudainement décidé de lancer sa propre investigation, de bien moindre envergure.
Une manœuvre pour enterrer l’affaire ?
Pour de nombreux observateurs, il ne fait guère de doute qu’il s’agit là d’une manœuvre visant à circonscrire le scandale et à protéger certains responsables de haut niveau. En ouvrant une enquête parallèle ne visant que le ministre Vili Beros et deux autres personnes, la justice croate a en effet pu forcer les procureurs européens à se retirer et à lui transmettre le dossier.
Une décision qui suscite l’incompréhension et la colère du parquet européen. Dans un communiqué au vitriol, il dénonce des “atteintes à l’État de droit” et des “défis systémiques” en matière de lutte contre la corruption en Croatie. Ses procureurs n’ont même pas été informés de l’existence de l’enquête croate avant les premières arrestations et n’ont pas pu faire valoir leur position auprès du procureur général du pays.
La Croatie peine toujours à contenir une corruption endémique et le secteur de la santé publique est tristement réputé pour la corruption qui le frappe.
Un mal profond qui ronge le pays
Car derrière ce nouveau scandale, c’est bien la question de la corruption généralisée qui se pose une fois de plus en Croatie. Malgré les efforts affichés par le gouvernement ces dernières années, force est de constater que les vieilles habitudes ont la peau dure.
Pots-de-vin, favoritisme, détournement de fonds publics… Les pratiques douteuses restent monnaie courante, en particulier dans le secteur de la santé. De nombreux médecins des hôpitaux publics travaillent ainsi en parallèle dans des cliniques privées, où ils n’hésitent pas à orienter leurs patients pour gonfler leurs honoraires. Un système de prédation qui siphonne les maigres ressources du pays et sape la confiance des citoyens.
L’Europe sera-t-elle à la hauteur ?
Face à ce fléau qui gangrène le pays en profondeur, beaucoup s’interrogent sur la capacité de la Croatie à opérer un véritable sursaut. Le Premier ministre conservateur Andrej Plenkovic, englué dans les scandales à répétition touchant son parti, semble bien en peine d’impulser le changement. Quant au parquet européen, sa crédibilité et son indépendance sortent sérieusement écornées de ce bras de fer perdu.
Pourtant, l’enjeu est crucial pour l’Europe. En cette période de doutes et de défiance envers les institutions, elle ne peut tolérer que des pays membres comme la Croatie déroulent le tapis rouge aux corrompus et aux corrupteurs. Au-delà des déclarations d’intention, Bruxelles devra montrer qu’elle est prête à utiliser tous les instruments à sa disposition pour défendre cet idéal d’un État de droit irréprochable. C’est non seulement une question de crédibilité, mais aussi de survie pour le projet européen.