Imaginez un instant : vous fuyez votre pays, traversez des milliers de kilomètres, pour finalement vous retrouver dans une ville inconnue, sans repères ni ressources. C’est le défi auquel font face des milliers de migrants arrivant chaque année aux États-Unis. Mais à Denver, dans le Colorado, les autorités ont décidé de prendre le problème à bras-le-corps en lançant un programme révolutionnaire d’intégration des nouveaux arrivants. Une initiative qui pourrait bien servir de modèle à d’autres villes confrontées à l’afflux migratoire.
Denver transforme la “crise migratoire” en opportunité
Depuis 2022, Denver a accueilli plus de 42 000 migrants, principalement en provenance d’Amérique latine. Face à cet afflux sans précédent, la ville a d’abord dû gérer l’urgence en multipliant les dispositifs d’hébergement temporaire : hôtels, tentes, abris de fortune… Une situation précaire et coûteuse, qui ne pouvait durer éternellement.
C’est là qu’entre en scène le maire de Denver, Mike Johnston, bien décidé à changer de braquet. Plutôt que de voir les migrants comme un fardeau, il préfère les considérer comme une chance pour sa ville. Comme il l’explique :
Notre objectif était de transformer ce que les gens percevaient comme une crise en une opportunité. Nous avons des gens qui arrivent en ville, désespérés de travailler, avec des compétences et des talents. Et nous avons des employeurs assoiffés de main-d’œuvre. Il fallait connecter les deux.
– Mike Johnston, maire de Denver
Un accompagnement sur mesure pendant 6 mois
Baptisé Denver Asylum Seekers Program, le dispositif innovant s’adresse aux migrants engagés dans une procédure de demande d’asile, un processus qui dure en moyenne 6 mois. Durant cette période, les bénéficiaires se voient proposer :
- Un logement stable, d’abord à l’hôtel puis en appartement
- Une formation professionnelle ciblée sur les secteurs en tension (santé, bâtiment, restauration…)
- Des cours d’anglais intensifs pour acquérir les bases de la langue
- Un accompagnement juridique pour constituer le dossier de demande d’asile
- Des ateliers de gestion budgétaire pour apprendre à gérer ses finances
L’objectif est qu’au bout des 6 mois, lorsque le demandeur d’asile obtient enfin son permis de travail, il soit immédiatement opérationnel et employable. Un pari ambitieux, qui semble porter ses fruits puisque près de 800 personnes sont déjà inscrites dans le programme, sur les quelque 1000 migrants encore présents dans les centres d’hébergement de la ville.
Une approche bénéfique pour les migrants… et pour la ville
Au-delà de l’aspect humanitaire, cette politique volontariste vise à faire des migrants un atout pour le dynamisme économique de Denver. En les formant aux métiers en tension et en facilitant leur intégration, la municipalité espère répondre aux besoins criants de main-d’œuvre des entreprises locales. Une stratégie gagnant-gagnant, qui profite à la fois aux nouveaux arrivants et au tissu économique de la ville.
Autre avantage non négligeable du programme : il permet à Denver de réduire considérablement le coût de l’accueil des migrants. Car loger des gens en appartement coûte beaucoup moins cher que d’entretenir des centres d’hébergement d’urgence ! Ainsi, alors que la ville craignait de devoir débourser jusqu’à 180 millions de dollars en 2024 si elle maintenait sa politique initiale, elle table désormais sur un budget de 90 millions. Une économie substantielle, qui montre qu’investir dans l’intégration peut aussi être rentable financièrement.
Un modèle inspirant pour d’autres villes
Alors que d’autres grandes villes comme New York ou Chicago peinent à gérer l’afflux migratoire, le pari de Denver suscite beaucoup d’intérêt. Son approche innovante, qui mise sur l’accompagnement au long cours plutôt que sur l’urgence permanente, pourrait bien faire des émules. Comme le souligne Mike Johnston :
Nous pensons avoir une solution que toutes les villes peuvent utiliser. Denver ne peut pas résoudre ce problème seule.
– Mike Johnston, maire de Denver
Il faut dire que la réussite de l’intégration des migrants est un défi national, qui nécessite des réponses ambitieuses et coordonnées. En montrant qu’il est possible de transformer une “crise” en opportunité, Denver ouvre la voie à un nouveau modèle d’accueil, plus digne et plus efficace. Une source d’inspiration pour repenser en profondeur les politiques migratoires.