La Floride est une nouvelle fois sous le feu des projecteurs pour sa politique de censure des livres dans les écoles et les bibliothèques de l’État. Pas moins de 700 nouveaux titres viennent en effet d’être ajoutés à la liste noire déjà bien fournie, portant à plus de 4500 le nombre total d’ouvrages désormais interdits aux élèves et aux enseignants. Parmi les œuvres récemment bannies figurent notamment les célèbres sagas Millénium de Stieg Larsson et Game of Thrones de George R. R. Martin, un choix qui suscite l’incompréhension et l’indignation.
Une censure qui ne cesse de s’accentuer
Depuis l’entrée en vigueur en juillet dernier du projet de loi 1069, qui permet aux parents de s’opposer à tout contenu jugé “pornographique ou inapproprié”, les autorités de Floride ont multiplié les interdictions de livres dans les établissements scolaires. Des classiques tels que Le Meilleur des mondes d’Aldous Huxley ou Les Aventures de Tom Sawyer de Mark Twain ont ainsi été retirés, tout comme des romans contemporains d’auteurs à succès comme Margaret Atwood.
Mais cette nouvelle salve de censure, qui vise des best-sellers mondialement connus comme Millénium et Game of Thrones, marque un cap dans la politique ultra-conservatrice menée par le gouverneur républicain Ron DeSantis. Les livres de Stieg Larsson, qualifiés d'”incorrects ou pornographiques”, ne pourront plus être étudiés en classe ni même empruntés en bibliothèque par les lycéens. Quant à la saga de fantasy de George R. R. Martin, elle rejoint sur la liste noire d’autres ouvrages populaires chez les adolescents comme ceux de Stephen King.
Des critères de censure très larges
Si les autorités invoquent le caractère “incorrect ou pornographique” des œuvres censurées, les critères retenus apparaissent en réalité extrêmement larges et subjectifs. Dans certains comtés particulièrement zélés comme celui d’Escambia, même des dictionnaires et des encyclopédies ont été retirés en raison de leur contenu jugé trop suggestif. Des biographies de stars comme Beyoncé ou Lady Gaga, mais aussi le Journal d’Anne Frank ou certains romans d’Agatha Christie ont connu le même sort.
L’an dernier, 4000 livres ont été interdits dans les écoles et dans les bibliothèques aux États-Unis. Cette année, le chiffre final va atteindre 10.000 titres.
déplore Hanna Nordell du PEN Club suédois.
Une atteinte à la liberté d’expression
Pour de nombreux observateurs, cette vague de censure sans précédent constitue une grave atteinte à la liberté d’expression et un dangereux retour en arrière. Interdire l’accès à des œuvres majeures de la littérature, sous prétexte qu’elles pourraient heurter la sensibilité de certains, revient à priver les jeunes générations de repères culturels essentiels et à entraver leur ouverture d’esprit.
Loin de protéger les élèves, cette politique risque au contraire de les infantiliser et de les couper de toute réflexion critique sur le monde qui les entoure. Comment en effet appréhender la complexité de notre société sans avoir accès à des récits ou des témoignages susceptibles de bousculer les idées reçues ?
Vers une généralisation de la censure ?
Si la Floride est aujourd’hui à la pointe de cette dérive liberticide, elle pourrait malheureusement faire des émules. Selon PEN America, au moins 33 des 70 districts scolaires de l’État ont déjà interdit des titres, et le mouvement ne cesse de s’amplifier. La Floride et l’Iowa sont les deux États qui ont enregistré le plus grand nombre d’interdictions de livres en 2023-2024, avec respectivement 4500 et 3600 ouvrages censurés.
Face à cette inquiétante tendance, il est urgent que les citoyens attachés aux valeurs de liberté et de pluralisme se mobilisent. Car c’est bien l’avenir de notre démocratie qui est en jeu. En bannissant des livres au nom d’une morale étriquée, c’est toute notre capacité à penser par nous-mêmes et à faire preuve d’esprit critique qui est menacée. Laissons aux jeunes générations la possibilité de grandir dans un monde ouvert, où la connaissance et l’imagination ne sont pas sacrifiées sur l’autel de l’ordre moral.