Dans un geste d’une rare audace, une militante saoudienne des droits humains a profité d’un forum de l’ONU organisé en Arabie saoudite pour dénoncer le « silence imposé » aux dissidents dans le royaume. Son intervention, qualifiée d' »historique » par Human Rights Watch, met en lumière la répression des voix critiques sous le règne du prince héritier Mohammed ben Salmane.
Une chaise vide symbolique pour les opposants réduits au silence
Lina al-Hathloul, responsable de la communication de l’organisation ALQST basée à Londres, est apparue par visioconférence lors de l’Internet Governance Forum. Les organisateurs ont ouvert l’événement par une minute de silence en hommage aux détenus politiques arbitraires en Arabie saoudite et au Moyen-Orient. Une chaise vide, portant le nom de Mme Hathloul, a été placée à côté du modérateur en symbole brutal du mutisme forcé de tant de défenseurs des libertés.
Personne n’est en sécurité et même ce que l’on considère comme une critique légère peut devenir un crime.
Lina al-Hathloul, militante saoudienne des droits humains
Le combat de Loujain al-Hathloul, emprisonnée pour avoir défendu les droits des femmes
Lina al-Hathloul est la sœur de Loujain al-Hathloul, une militante emblématique arrêtée en 2018 pour avoir fait campagne pour le droit des Saoudiennes à conduire et la fin de la tutelle masculine. Malgré sa libération en 2021 après plus de 1000 jours derrière les barreaux, Loujain reste interdite de quitter le territoire pendant 5 ans. Une situation injuste évoquée par sa sœur, qui espérait être présente au forum mais en a été empêchée « en raison de problèmes de sécurité et des interdictions de voyager illégales » imposées à sa famille.
Un vernis de réformes qui masque la poursuite de la répression
Si l’Arabie saoudite tente d’adoucir son image par des réformes sociales comme l’autorisation faite aux femmes de conduire, la réalité reste sombre pour les voix dissidentes. Selon Human Rights Watch, des dizaines de personnes croupissent toujours en prison pour s’être exprimées pacifiquement en ligne, beaucoup étant poursuivies en vertu d’une draconienne loi antiterroriste adoptée en 2017.
Un traité onusien sur la cybercriminalité qui inquiète les défenseurs des libertés
Les travaux du forum se sont concentrés sur un nouveau traité de l’ONU ciblant la cybercriminalité, le premier du genre. Approuvé en août malgré l’opposition farouche de militants des droits humains, ce texte est vu par ses détracteurs comme un potentiel « traité de surveillance » mondial pouvant servir d’outil de répression. Pour Lina al-Hathloul, l’Arabie saoudite est justement « un exemple édifiant » de la manière dont un tel accord pourrait museler toute voix critique.
La société civile ne peut plus s’exprimer en toute indépendance et ceux qui osent exprimer ce qui constitue pour les autorités des discours dissidents sont souvent réduits au silence par l’emprisonnement ou pire encore.
Lina al-Hathloul, militante saoudienne des droits humains
Face à ces accusations, les autorités saoudiennes affirment que les poursuites décriées concernent des crimes liés au « terrorisme » et à la perturbation de l’ordre public. Un argument qui ne convainc guère les défenseurs des droits fondamentaux, pour qui la quête de liberté et de dignité ne saurait être criminalisée.
Le courage de Lina al-Hathloul force l’admiration. En brisant le silence au cœur même du royaume, elle rappelle au monde que derrière la façade des réformes, l’étau continue de se resserrer sur celles et ceux qui osent revendiquer leurs droits les plus essentiels. Son appel ne doit pas rester sans écho. Il est de notre devoir de faire résonner les voix étouffées et d’œuvrer sans relâche pour que la liberté, enfin, triomphe de l’oppression.