En février 2025, un tweet du président argentin Javier Milei a enflammé le monde de la cryptomonnaie. En vantant le projet LIBRA, il a propulsé sa valeur à des sommets vertigineux, atteignant une capitalisation boursière de 4,5 milliards de dollars en quelques heures. Mais ce rêve d’enrichissement rapide s’est transformé en cauchemar lorsque le jeton s’est effondré, engloutissant des millions pour des milliers d’investisseurs. Aujourd’hui, la décision de Milei de dissoudre l’unité spéciale chargée d’enquêter sur ce scandale soulève une question brûlante : cherche-t-il à éclaircir la vérité ou à étouffer l’affaire ?
Un Scandale qui Ébranle l’Argentine
Le scandale LIBRA n’est pas une simple mésaventure financière. Il a secoué l’Argentine, un pays déjà fragilisé par des crises économiques à répétition. Lorsque Milei, fervent défenseur des libertés économiques et figure controversée, a promu ce jeton sur les réseaux sociaux, il a donné un signal fort. Mais la chute brutale du cours, qualifiée par certains de rug pull (escroquerie orchestrée), a déclenché une vague d’indignation. Des investisseurs, des parlementaires et même des juges internationaux se sont mobilisés pour faire la lumière sur ce fiasco.
La dissolution récente de l’unité d’investigation, créée il y a à peine trois mois, ajoute une couche de mystère. Selon le décret signé par Milei et son ministre de la Justice, Mariano Cúneo Libarona, la mission de cette unité serait « accomplie ». Mais sans rapport public ni détails sur les conclusions transmises au parquet, le doute persiste. Cette décision intervient dans un contexte où Milei et sa sœur, Karina, sont eux-mêmes sous le feu des projecteurs pour leur implication présumée.
Les Origines du Scandale LIBRA
Tout commence le 14 février 2025. Dans un message publié sur son compte X, Milei vante LIBRA comme un projet privé destiné à stimuler l’économie argentine en finançant des petites entreprises. En quelques heures, le jeton explose, passant de l’obscurité à une valorisation de plusieurs milliards. Mais cette ascension fulgurante cache une réalité plus sombre. Dès le lendemain, le cours s’effondre de près de 90 %, laissant environ 75 000 porteurs de portefeuilles avec des pertes estimées à plus de 250 millions de dollars.
Milei a supprimé son tweet peu après l’effondrement, affirmant qu’il ‘ne connaissait pas les détails du projet’.
Cette déclaration n’a pas apaisé les critiques. Des accusations de fraude ont rapidement émergé, certains affirmant que Milei aurait sciemment promu un projet douteux. Des enquêtes judiciaires ont été lancées, non seulement en Argentine, mais aussi aux États-Unis et en Espagne, où des investisseurs floués cherchent réparation. La question centrale reste : Milei était-il un promoteur enthousiaste mais mal informé, ou a-t-il joué un rôle plus trouble ?
L’Unité d’Enquête : Une Mission Inachevée ?
Pour répondre à la polémique, Milei avait annoncé en février la création d’une unité spéciale, baptisée UTI (Unité Tâche d’Investigation). Dirigée par María Florencia Zicavo, une proche du ministre de la Justice, cette entité avait pour mission de collecter des données et de collaborer avec le parquet. Sans budget supplémentaire, elle devait agir rapidement pour identifier d’éventuelles irrégularités. Mais dès le départ, des doutes ont émergé sur son indépendance, en raison de ses liens étroits avec l’administration Milei.
Le 20 mai 2025, un décret présidentiel met fin à cette unité. Selon le gouvernement, elle aurait rempli son objectif en transmettant ses conclusions au parquet. Pourtant, aucun détail n’a filtré. Voici les zones d’ombre qui alimentent les spéculations :
- Aucun rapport public n’a été publié.
- Les conclusions, si elles existent, restent confidentielles.
- La dissolution intervient alors que des enquêtes judiciaires s’intensifient.
Cette opacité a ravivé les critiques. Pour beaucoup, la fin prématurée de l’UTI ressemble à une tentative de freiner les investigations, surtout à un moment où la juge fédérale María Romilda Servini examine les finances de Milei et de sa sœur Karina.
Milei et Karina : Au Cœur des Soupçons
Karina Milei, sœur du président et figure influente de son entourage, est une pièce maîtresse de ce puzzle. Des rapports suggèrent qu’elle aurait eu des contacts avec les créateurs de LIBRA avant son lancement. Ces allégations ont conduit la juge Servini à ordonner, le 18 mai 2025, la levée du secret bancaire sur les comptes de Javier et Karina Milei. Une démarche rare, qui souligne la gravité des soupçons pesant sur eux.
En parallèle, des avocats représentant des victimes, dont 25 investisseurs étrangers et argentins, ont porté plainte. Ils accusent Milei d’avoir orchestré une fraude en s’appuyant sur sa position pour promouvoir un projet frauduleux. Les Milei, eux, ont choisi de ne pas se présenter à une audience civile préalable, alimentant les spéculations sur leur volonté d’échapper à la justice.
‘Milei a nié toute malversation, affirmant qu’il voulait simplement promouvoir un projet en tant qu’enthousiaste des technologies.’
Mais cette défense peine à convaincre. Les critiques soulignent que Milei, en tant que président, avait une responsabilité accrue dans ses prises de parole publiques. En promouvant LIBRA, il a influencé des milliers de personnes, dont beaucoup ont perdu leurs économies.
Un Contexte de Dérégulation Controversée
La dissolution de l’UTI s’inscrit dans une stratégie plus large de l’administration Milei. En avril 2025, le gouvernement a réduit les pouvoirs de l’Unité d’Information Financière (UIF), l’organisme chargé de lutter contre le blanchiment d’argent. Cette décision, combinée à la levée des contrôles stricts sur les capitaux, reflète la philosophie libertarienne de Milei, qui prône une intervention minimale de l’État. Mais dans le cas de LIBRA, cette approche soulève des inquiétudes sur la capacité du pays à réguler les cryptomonnaies.
Voici un aperçu des mesures prises par Milei qui impactent la régulation financière :
Mesure | Impact |
---|---|
Réduction des pouvoirs de l’UIF | Moins de surveillance des transactions suspectes |
Levée des contrôles de capitaux | Facilite les flux financiers, mais risque d’abus |
Dissolution de l’UTI | Freine les enquêtes sur LIBRA |
Ces choix, bien que cohérents avec l’idéologie de Milei, exposent l’Argentine à des risques accrus dans un secteur aussi volatile que celui des cryptomonnaies. Ils alimentent également le sentiment que le gouvernement privilégie la dérégulation au détriment de la transparence.
Les Répercussions Internationales
Le scandale LIBRA dépasse les frontières argentines. Aux États-Unis, des enquêtes judiciaires examinent les liens entre Milei et Hayden Davis, un entrepreneur crypto américain soupçonné d’être impliqué dans le projet. Interpol a même été sollicité pour émettre une notice rouge à son encontre. En Espagne, des investisseurs ont porté plainte, arguant que la promotion de Milei a causé des pertes massives à l’échelle internationale.
Ces développements placent l’Argentine sous un feu de critiques. Le pays, qui cherche à redorer son image économique avec des réformes audacieuses, risque de voir sa crédibilité entachée. Milei, qui se présente comme un allié de figures comme Donald Trump et Elon Musk, doit désormais naviguer dans un scandale qui menace sa stature internationale.
Une Confiance Publique en Péril
Le scandale a profondément érodé la confiance des Argentins envers leur président. Selon des sondages récents, la cote de popularité de Milei a chuté, en partie à cause de l’affaire LIBRA. Dans un pays où plus de 38 % de la population vit sous le seuil de pauvreté, la perte d’économies dans une cryptomonnaie promue par le président est perçue comme une trahison.
Les réseaux sociaux, où Milei a bâti une grande partie de son aura, sont devenus un terrain d’affrontement. Des hashtags comme #StopLIBRA et des accusations d’escroquerie circulent, tandis que ses partisans défendent son droit à promouvoir des initiatives privées. Cette polarisation reflète les tensions plus larges qui traversent l’Argentine sous son mandat.
Que Reserve l’Avenir ?
Avec la dissolution de l’UTI, l’avenir de l’enquête repose entre les mains du système judiciaire argentin, et en particulier de la juge Servini. Ses décisions, notamment sur les finances des Milei, pourraient avoir des répercussions majeures. Si des preuves d’implication frauduleuse émergent, Milei pourrait faire face à des appels à la destitution, une hypothèse déjà évoquée par ses opposants.
En attendant, le scandale LIBRA reste un symbole des dangers d’une régulation laxiste dans l’univers des cryptomonnaies. Pour les investisseurs, c’est une leçon amère sur les risques d’un marché où la spéculation l’emporte souvent sur la prudence. Pour l’Argentine, c’est un nouveau chapitre dans une saga économique et politique tumultueuse.
En résumé : La dissolution de l’unité d’enquête sur LIBRA par Milei soulève des questions sur la transparence et la responsabilité. Alors que les enquêtes judiciaires se poursuivent, l’Argentine fait face à une crise de confiance et à un débat brûlant sur la régulation des cryptomonnaies.
Ce scandale, loin d’être clos, continuera de faire parler. Reste à savoir si la vérité éclatera ou si elle restera enfouie sous le poids des décisions politiques. Une chose est sûre : en Argentine, l’histoire de LIBRA est devenue bien plus qu’une simple affaire de cryptomonnaie.