Ils sont là, entre deux lignes blanches tracées sur le bitume brûlant. Des familles entières, des valises fatiguées, des enfants endormis sur l’épaule de leurs parents. À quelques mètres seulement les séparent du Pérou, mais la frontière est fermée. Et derrière eux, au Chili, plane la menace d’une expulsion massive si José Antonio Kast devient président.
Une frontière soudainement infranchissable
Ce vendredi, le poste-frontière de Chacalluta-Santa Rosa, habituellement tranquille, s’est transformé en cul-de-sac humain. Des dizaines de personnes, majoritairement vénézuéliennes, ont tenté de quitter le Chili pour rejoindre le Pérou. Elles n’ont pas pu franchir la ligne.
Du côté péruvien, les autorités ont renforcé les contrôles. Les migrants doivent présenter des documents en règle, chose que beaucoup n’ont pas. Résultat : ils restent coincés dans une zone tampon, sous un soleil écrasant, sans savoir où aller.
Un migrant vénézuélien, la voix tremblante, a confié son angoisse : « Ils ne veulent pas nous laisser entrer au Pérou… On a peur qu’ils nous expulsent de force du Chili. » Cette phrase résume parfaitement le sentiment qui règne sur place.
La menace directe de José Antonio Kast
Le candidat ultraconservateur, donné favori pour le second tour de la présidentielle du 14 décembre, n’a pas mâché ses mots. Dans une vidéo diffusée sur ses réseaux sociaux, il a fixé un ultimatum clair.
« Aux migrants en situation irrégulière au Chili, je dis qu’il leur reste 103 jours pour quitter volontairement notre patrie. Si vous ne partez pas volontairement, vous devrez partir quand j’assumerai la présidence. »
Cette déclaration, froide et précise, a eu l’effet d’un électrochoc. Beaucoup de familles ont immédiatement fait leurs bagages. Direction le nord, direction la frontière. Même si, là-bas, le Pérou ne les attend pas forcément les bras ouverts.
José Antonio Kast associe régulièrement l’immigration irrégulière à la hausse de la criminalité. Il promet d’expulser plus de 330 000 personnes, essentiellement des Vénézuéliens, dès son arrivée au pouvoir.
Le Pérou passe en mode urgence
Face à l’arrivée soudaine de ces migrants, le président par intérim péruvien, José Jeri, a réagi immédiatement. Il a convoqué un conseil des ministres extraordinaire pour déclarer l’état d’urgence dans la zone frontalière.
L’objectif ? Renforcer la surveillance avec l’appui des forces armées. Ce n’est pas la première fois. En avril 2023 déjà, le Pérou avait décrété l’état d’urgence et militarisé ses frontières pendant deux mois face à une vague similaire venue du Chili.
À l’époque, l’armée avait appuyé la police pour bloquer les entrées. Le scénario se répète aujourd’hui, presque à l’identique.
Pourquoi tant de Vénézuéliens au Chili ?
Depuis plusieurs années, le Chili était devenu une destination privilégiée pour des centaines de milliers de Vénézuéliens fuyant la crise économique et politique de leur pays. Le dynamisme économique chilien, les salaires plus élevés et une relative stabilité attiraient.
Mais la donne a changé. Les discours anti-immigration se sont durcis. Les contrôles se sont multipliés. Beaucoup de ceux qui étaient entrés par des passages irréguliers se retrouvent aujourd’hui sans papiers valides.
Et maintenant, la menace d’une expulsion massive plane comme une épée de Damoclès.
Une situation humanitaire qui s’aggrave
Sur les images diffusées, on voit des enfants dans les bras de leurs parents. Des bébés qui pleurent sous la chaleur. Des personnes âgées assises à même le sol. L’attente est longue, les nerfs sont à vif.
Le ministre chilien de la Sécurité, Luis Cordero, a reconnu une « concentration de migrants souhaitant quitter le pays ». Il n’a pas donné de chiffre précis, mais les témoignages parlent de plusieurs dizaines, voire centaines de personnes.
Beaucoup n’ont plus d’argent pour payer un bus retour. D’autres n’ont tout simplement plus de maison où rentrer au Chili. Ils sont coincés dans un no man’s land administratif et géographique.
Que va-t-il se passer dans les prochains jours ?
La situation reste extrêmement tendue. Le Pérou maintient sa frontière fermée aux personnes sans documents. Le Chili, lui, n’a pas encore commencé d’expulsions massives… mais la menace est là.
Certains migrants envisagent de contourner les postes officiels en passant par le désert. Une traversée dangereuse, surtout avec des enfants.
D’autres espèrent encore un assouplissement côté péruvien. Mais avec l’état d’urgence décrété, cela semble peu probable dans l’immédiat.
Un symbole des tensions migratoires en Amérique latine
Cette scène à la frontière n’est pas isolée. Elle illustre les profonds bouleversements migratoires que connaît l’Amérique du Sud depuis dix ans.
Des millions de Vénézuéliens ont quitté leur pays. Colombie, Équateur, Pérou, Chili… tous ont accueilli à un moment, puis ont commencé à fermer les portes quand les chiffres sont devenus trop importants.
Aujourd’hui, les discours sécuritaires gagnent du terrain. Les frontières se militarisent. Et ce sont toujours les plus vulnérables qui se retrouvent pris entre deux feux.
À quelques semaines d’une élection présidentielle au Chili qui s’annonce historique, cette image de migrants bloqués résume à elle seule les enjeux colossaux qui se jouent en ce moment en Amérique latine.
Des familles entières attendent, espèrent, pleurent. Leur avenir dépend désormais d’une élection, de deux gouvernements, et d’une frontière qui refuse de s’ouvrir.
À retenir : Des dizaines de migrants sont actuellement bloqués à la frontière Chili-Pérou, pris en étau entre la menace d’expulsion massive de José Antonio Kast et le durcissement des contrôles péruviens. Une situation humanitaire critique qui illustre les tensions migratoires grandissantes en Amérique du Sud.
La suite des événements dans les prochains jours sera déterminante. Resteront-ils bloqués ? Le Pérou finira-t-il par ouvrir exceptionnellement sa frontière ? Ou le Chili commencera-t-il les expulsions avant même l’élection ?
Une chose est sûre : ces images de familles coincées entre deux pays marqueront longtemps les mémoires.









