C’est une allocution qui fera date. Menacé de censure après un recours au 49.3 controversé, le Premier ministre Michel Barnier a décidé de s’adresser directement aux Français sur les chaînes nationales. Mais au-delà du fond, c’est la forme qui a surpris. Des mots familiers, voire argotiques, dans la bouche d’un chef de gouvernement, une première sous la Ve République ?
«Je m’en fous» des dorures : un choix audacieux
Ce sont quatre petits mots qui ont fait grand bruit. En affirmant qu’il se fichait «des dorures, des voitures officielles, des ors de la République», Michel Barnier a bousculé les codes. Un vocabulaire résolument familier, inhabituel à ce niveau de responsabilité. Pour Arnaud Benedetti, professeur associé à la Sorbonne, le Premier ministre a clairement joué «la carte de l’authenticité et de la sincérité».
On a beaucoup plus cadré la communication aujourd’hui qu’elle ne l’était dans les années 1960 ou 1970, ils sont aujourd’hui beaucoup plus contraints dans leur vocabulaire qu’ils ne l’étaient auparavant.
Arnaud Benedetti, professeur associé à la Sorbonne
Une stratégie payante ? L’avenir le dira. Mais force est de constater que dans un climat de défiance envers la classe politique, cette façon de parler «vrai» a de quoi séduire une partie de l’opinion.
Les précédents célèbres
Si la saillie de Michel Barnier a de quoi surprendre, elle n’est pas totalement inédite. D’autres avant lui ont usé d’un vocabulaire fleuri :
- Georges Pompidou et son célèbre «Arrêtez d’emmerder les Français !»
- Jacques Chirac et son non moins fameux «J’ai horreur d’emmerder les gens»
- Emmanuel Macron et son controversé «emmerder les non-vaccinés»
Des petites phrases qui ont marqué les esprits, signe que la langue familière fait mouche dans le discours politique. Mais attention à ne pas en abuser, au risque de perdre en crédibilité.
Un nouveau style présidentiel ?
Au-delà de l’effet de surprise, les propos de Michel Barnier posent la question d’une évolution durable du discours politique. Assiste-t-on à l’émergence d’un nouveau style présidentiel, plus direct, plus proche du langage populaire ?
Certains y verront un danger, celui d’une peopolisation de la vie politique. D’autres, au contraire, salueront le courage d’un homme prêt à bousculer les conventions pour dire les choses telles qu’elles sont. Une chose est sûre : la langue de bois n’a qu’à bien se tenir !
Dès qu’un homme politique a l’usage d’un mot qui peut être considéré comme un peu familier ou usant d’une expression qui peut paraître plus authentique, on est surpris.
Arnaud Benedetti
En osant un vocabulaire inhabituel pour un Premier ministre, Michel Barnier bouscule les codes de la communication politique. Un pari risqué mais qui pourrait s’avérer payant dans un contexte de défiance envers les élites. Reste à savoir si cette stratégie du parler-vrai résistera à l’épreuve du temps et des crises. Les prochains mois nous le diront.