Il y a quelques mois, l’actrice française Judith Godrèche a secoué le monde du cinéma en accusant de viols deux réalisateurs renommés : Benoît Jacquot et Jacques Doillon. Des révélations qui s’inscrivent dans le sillage de MeToo, dont la comédienne est devenue une figure centrale dans l’Hexagone. Pourtant, depuis qu’elle a pris la parole, c’est le silence radio du côté des « personnes de pouvoir » dans l’industrie.
« Pas une personne de pouvoir ne m’a écrit »
Invitée mercredi devant la commission d’enquête de l’Assemblée Nationale sur les violences sexuelles dans le cinéma, Judith Godrèche a fait part de son étonnement et de sa déception. Malgré le retentissement de ses accusations, la comédienne de 52 ans n’a reçu aucun message de soutien des pontes de l’industrie.
Il n’y a pas une personne de mon passé, qui ait une place établie dans la société du cinéma — donc, entre guillemets, du pouvoir –, il n’y a pas une personne de pouvoir qui m’a écrit depuis que j’ai parlé.
Judith Godrèche devant la commission d’enquête
Un mutisme qui en dit long selon l’actrice. Ce « silence » trahirait selon elle la « peur » de « perdre sa place » mais aussi la volonté de rester dans les bonnes grâces d’un système qui écarte celles qui résistent.
Enquêtes en cours contre Jacquot et Doillon
Pour rappel, Judith Godrèche avait fait l’effet d’une bombe début 2023 en portant des accusations de viols à l’encontre de Benoît Jacquot et Jacques Doillon. Elle avait révélé avoir eu une relation avec le premier alors qu’elle n’avait que 14 ans et lui 39. Des faits similaires sont reprochés à Doillon. Les deux cinéastes, qui contestent ces allégations, font l’objet d’enquêtes.
Soutien des « anonymes » mais pas des « puissants »
Si les « personnes de pouvoir » restent mutiques, Judith Godrèche peut compter sur le soutien de celles et ceux qui n’ont « rien à perdre », les « anonymes » qui ne sont « plus dans ce milieu ». Une situation qui ne la surprend guère tant « ce système écrase les résistantes ».
Accusation de mensonge contre une figure du cinéma
La comédienne a profité de son audition pour accuser Serge Toubiana, ex-patron de la Cinémathèque et figure influente du 7ème Art, d’avoir « menti sous serment ». Mardi, il avait en effet affirmé ne pas avoir été au courant de la relation entre Godrèche, alors adolescente, et Jacquot, dont il était proche, avant de concéder qu’il avait en réalité reçu le « couple » à dîner à l’époque.
Il savait, tout le monde savait, lui mieux que quiconque.
Judith Godrèche au sujet de Serge Toubiana
L’espoir d’un changement malgré les obstacles
Malgré le poids du silence et les tentatives d’étouffement, Judith Godrèche veut croire qu’elle pourra « continuer de vivre » dans le milieu du cinéma. Son court-métrage « Moi aussi », présenté au dernier Festival de Cannes, témoigne de sa volonté de ne pas se laisser réduire au silence. Mais la route est encore longue pour faire bouger les lignes dans une industrie où l’omerta reste souvent la règle.
Le témoignage de Judith Godrèche met en lumière les résistances auxquelles se heurtent les femmes qui osent briser le silence dans le monde du cinéma. Un combat de longue haleine qui nécessite de s’attaquer aux fondements d’un système qui protège les puissants et muselle les victimes. La libération de la parole enclenchée par MeToo est un premier pas crucial. Mais il faudra plus que des hashtags pour venir à bout d’une culture du silence profondément enracinée.