Imaginez une entreprise cotée à Tokyo qui décide d’emprunter 130 millions de dollars pour acheter du Bitcoin… alors que le prix de ses bitcoins actuels est déjà 20 % en dessous de son prix d’achat moyen. Fou ? Audacieux ? Les deux à la fois ? C’est exactement ce qu’a fait Metaplanet ce mardi 25 novembre 2025.
Dans un marché crypto qui tangue encore après les excès de l’année, cette décision fait l’effet d’un coup de tonnerre. On aurait pu s’attendre à de la prudence. Au lieu de ça, la firme japonaise double la mise. Et elle n’est pas seule : elle marche clairement dans les pas de MicroStrategy et de son emblématique Michael Saylor.
Metaplanet passe à la vitesse supérieure avec un effet de levier massif
Le communiqué est tombé hier : Metaplanet a puisé 130 millions de dollars supplémentaires dans sa ligne de crédit de 500 millions garantis par… ses propres bitcoins. Au total, l’entreprise a désormais emprunté 230 millions de dollars dans cette facilité. Objectif affiché : acheter encore plus de BTC, développer ses activités génératrices de rendement en Bitcoin et, éventuellement, racheter des actions.
Concrètement, cela signifie que Metaplanet utilise ses bitcoins comme collatéral pour emprunter des dollars, qu’elle réinvestit immédiatement en bitcoins. Un cercle vertueux tant que le prix monte… et un cercle infernal s’il chute durablement.
Les chiffres qui font mal aux yeux
Petit point comptable qui donne le vertige :
- Prix moyen d’achat des BTC de Metaplanet : 108 036 $
- Cours du Bitcoin au 25 novembre 2025 : environ 87 500 $
- Perte latente actuelle : près de 20 %
- Montant total emprunté jusqu’à présent : 230 millions de dollars
- Ligne de crédit totale disponible : 500 millions de dollars
Autrement dit, l’entreprise est déjà sous l’eau sur sa position actuelle et décide pourtant d’appuyer encore plus fort sur l’accélérateur.
« Nous considérons le Bitcoin comme la réserve de valeur ultime et nous alignons complètement notre bilan sur cette vision. »
Direction de Metaplanet (paraphrase)
Une stratégie directement inspirée de MicroStrategy
Il n’y a aucun mystère : Metaplanet copie-colle la recette made in Michael Saylor. Le schéma est désormais bien rodé :
- Émettre des actions ou des obligations convertibles
- Utiliser le cash récolté pour acheter du Bitcoin
- Mettre ces bitcoins en collatéral pour emprunter encore plus
- Recommencer
Le 20 novembre dernier, Metaplanet annonçait déjà une levée de 135 millions de dollars via des actions perpétuelles de classe B – un instrument financier qui ressemble étrangement à ce que MicroStrategy utilise depuis des années.
Le parallèle est frappant. À tel point que les investisseurs parlent désormais du « MicroStrategy japonais ».
Le mécanisme du prêt : renouvelable tous les jours
Ce qui rend cette opération particulièrement intéressante, c’est la structure même du prêt. Le contrat est renouvelé quotidiennement (overnight). Metaplanet peut rembourser à tout moment sans pénalité. L’intérêt est calculé en dollars + un spread (non communiqué).
En pratique, cela offre une flexibilité énorme. Si le Bitcoin repart violemment à la hausse, l’entreprise peut garder l’effet de levier. Si le marché s’effondre, elle peut déboucler rapidement… à condition d’avoir les liquidités nécessaires.
Vendre des options sur ses propres bitcoins
Autre détail savoureux : Metaplanet ne se contente pas d’HODLer passivement. L’entreprise indique vouloir développer une activité de rendement en utilisant ses bitcoins comme collatéral pour vendre des options.
En clair : elle encaisse des primes en vendant des calls (options d’achat) ou des puts, un peu à la manière de certains mineurs ou de fonds spécialisés. C’est une source de revenu supplémentaire… mais qui ajoute encore une couche de complexité et de risque.
Pourquoi prendre autant de risques maintenant ?
La question brûle toutes les lèvres. Le Bitcoin est en correction de plus de 15 % depuis son dernier ATH à plus de 108 000 $. Les institutionnels ont retiré près de 2 milliards de dollars des ETF la semaine dernière. Tout semble indiquer qu’il faudrait plutôt attendre.
Pourtant, Metaplanet voit les choses autrement. Plusieurs hypothèses :
- La firme pense que nous sommes proches d’un point bas local
- Elle veut profiter des taux d’intérêt encore relativement bas au Japon
- Elle anticipe une nouvelle vague d’adoption institutionnelle après l’élection américaine
- Elle verrouille du collatéral tant que le ratio loan-to-value le permet
Quoi qu’il en soit, le message est clair : pour Metaplanet, le Bitcoin reste l’actif le plus asymétrique de la planète. Et tant pis si ça secoue en chemin.
Comparaison avec les autres corporate treasuries
Metaplanet n’est plus seul. Le phénomène des « Bitcoin treasuries » prend de l’ampleur :
| Entreprise | BTC détenus | Valeur approx. | Stratégie |
| MicroStrategy | > 250 000 BTC | > 21 milliards $ | Ultra-leverage |
| Metaplanet | ~ 2 200 BTC (est.) | ~ 190 millions $ | En forte accélération |
| Tether (USDT) | > 100 000 BTC | > 8,7 milliards $ | Réserves |
| Quelques mineurs US | Dizaines de milliers | Variable | Hedging + trésorerie |
On estime que les entreprises américaines détiennent désormais près d’un million de bitcoins, soit environ 5 % de l’offre totale. Le mouvement est lancé.
Les risques bien réels de l’effet de levier
Soyons honnêtes : cette stratégie peut très mal tourner. Si le Bitcoin retombait durablement sous les 70 000 $, le ratio de collatéralisation deviendrait critique. Les appels de marge pourraient forcer Metaplanet à vendre à perte… exactement ce qu’elle veut éviter.
En 2022, plusieurs structures (Three Arrows Capital, Celsius, etc.) se sont effondrées pour avoir trop joué à ce jeu. La différence ? Metaplanet est une société cotée régulée, avec des actionnaires et des obligations de transparence. Mais le risque systémique reste le même.
Et les actionnaires dans tout ça ?
Paradoxal : l’action Metaplanet a explosé de plus de 1000 % depuis qu’elle a annoncé sa stratégie Bitcoin il y a un an et demi. Les investisseurs adorent la volatilité à la hausse. Ils achètent l’histoire, le narrative, la vision « Bitcoin standard ».
Mais la moindre panique et le château de cartes peut s’écrouler. C’est le prix du jeu.
Ce que cela nous dit sur l’état du marché
Au-delà de Metaplanet, cette opération est un indicateur précieux. Quand une entreprise décide d’emprunter massivement pour acheter du Bitcoin en pleine correction, c’est qu’elle voit quelque chose que le marché retail ne voit pas encore.
Est-ce le signe avant-coureur d’un nouveau bull run ? Ou simplement l’aveuglement de dirigeants convertis à la religion Bitcoin ? L’histoire nous le dira. Mais une chose est sûre : en 2025, le Bitcoin n’est plus seulement un actif spéculatif. Il devient, pour certains, la colonne vertébrale même de leur bilan.
Et vous, qu’en pensez-vous ? Metaplanet est-elle en train de construire l’avenir… ou de creuser sa propre tombe ?
Une chose est certaine : on n’a pas fini d’en entendre parler.









