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Merz Alerte sur l’Ingérence Russe en Arménie

Le chancelier allemand Friedrich Merz vient de lancer une charge inédite contre Moscou : la Russie tenterait activement de saboter les législatives arméniennes du 7 juin par la désinformation et la peur. Pourquoi Berlin prend-il ainsi position aux côtés de Nikol Pachinian ? La réponse risque de faire trembler tout le Caucase…

Et si les prochaines élections arméniennes se jouaient déjà à des milliers de kilomètres de l’urne, quelque part entre Berlin et Moscou ? Mardi, le chancelier allemand a brisé un tabou en accusant ouvertement la Russie de vouloir influencer le scrutin législatif du 7 juin prochain en Arménie. Une sortie aussi directe que rare qui illustre à quel point le Caucase reste un échiquier brûlant.

Une accusation lourde portée au plus haut niveau

Devant les journalistes, aux côtés du Premier ministre arménien Nikol Pachinian, Friedrich Merz n’a pas mâché ses mots. Moscou répandrait sciemment des mensonges sur les objectifs et les valeurs de l’Union européenne pour effrayer les électeurs arméniens. Une stratégie désormais bien rodée selon lui.

Le message est clair : la Russie chercherait à empêcher tout rapprochement trop marqué entre l’Arménie et les partenaires occidentaux. Une ingérence qui ne se limite pas à des campagnes de désinformation classiques, mais qui inclurait aussi des actions hybrides plus inquiétantes.

« C’est devenu une normalité inquiétante que les élections soient attaquées par les ennemis de la démocratie »

Friedrich Merz, chancelier allemand

Le divorce consommé entre Erevan et Moscou

Ces dernières années, les relations entre l’Arménie et son grand protecteur historique se sont profondément dégradées. Le point de rupture ? L’automne 2023 et la reconquête totale du Haut-Karabakh par l’Azerbaïdjan.

Pendant trois décennies, cette région à majorité arménienne avait été contrôlée par des séparatistes soutenus par Erevan. Sa perte brutale, sans réelle intervention russe malgré les engagements de l’Organisation du traité de sécurité collective (OTSC), a été vécue comme une trahison par une large partie de la population arménienne.

Depuis, le gouvernement de Nikol Pachinian a multiplié les gestes de distanciation : suspension de la participation à l’OTSC, rapprochement avec la France et les États-Unis, et surtout, vote en mars dernier du lancement officiel de la candidature à l’Union européenne.

Des méthodes d’ingérence déjà bien connues

Le chancelier allemand parle en connaissance de cause. Son propre pays fait régulièrement l’objet d’opérations attribuées aux services russes : sabotages d’infrastructures, campagnes de désinformation massives, attaques par drones.

Transposées au contexte arménien, ces méthodes prennent une dimension particulière. Dans un pays où la mémoire du génocide et la peur de l’encerclement par la Turquie et l’Azerbaïdjan restent vives, faire passer l’Union européenne pour une menace existentielle peut s’avérer redoutablement efficace.

Le récit russe est simple mais puissant : un rapprochement avec l’Occident signifierait l’abandon définitif du Karabakh, l’ouverture des frontières avec la Turquie sans garantie de sécurité, et la perte d’identité chrétienne face à des valeurs jugées décadentes.

La « chance historique » selon Berlin

Face à cette offensive, Friedrich Merz a choisi de contre-attaquer directement. Il a qualifié l’instant présent de « chance historique » pour l’Arménie de s’engager résolument sur la voie européenne.

Le message s’adresse autant au gouvernement arménien qu’à sa population : oui, le chemin sera long et semé d’embûches – les critères de Copenhague ne sont pas négociables – mais l’Allemagne est prête à accompagner ce mouvement.

« Que cette voie passe ou non par un accord d’association, c’est d’abord à l’Arménie de décider »

Friedrich Merz

Une manière habile de rappeler que l’UE ne forcera jamais la main, tout en laissant entendre que toutes les options restent ouvertes, y compris une candidature pleine et entière.

Un calendrier électoral sous haute tension

Le scrutin du 7 juin apparaît donc comme un véritable test. Les forces pro-européennes autour de Nikol Pachinian jouent leur crédibilité. Une victoire trop courte ou une contestation massive pourrait donner du grain à moudre aux narratifs russes.

À l’inverse, un succès clair conforterait la légitimité du tournant occidental et enverrait un signal fort : oui, un pays du Caucase peut envisager sérieusement de rejoindre la famille européenne, même au prix d’une rupture douloureuse avec Moscou.

Dans les deux cas, l’attention internationale sera maximale. Observateurs européens, journalistes, diplomates : tous auront les yeux rivés sur ce petit pays de moins de trois millions d’habitants coincé entre quatre puissances régionales.

Vers une nouvelle carte géopolitique du Caucase ?

L’enjeu dépasse largement les frontières arméniennes. Si Erevan parvient à s’arrimer durablement à l’Occident, c’est tout l’équilibre régional qui pourrait basculer.

La Géorgie, déjà candidate à l’UE, verrait son chemin facilité. L’Azerbaïdjan, riche en hydrocarbures et proche de la Turquie, se retrouverait plus isolé diplomatiquement. Quant à la Russie, elle perdrait son dernier levier réel dans le Caucase sud.

Un scénario cauchemar pour le Kremlin, qui explique sans doute la virulence des réactions attendues dans les prochaines semaines.

En soutenant aussi ouvertement Nikol Pachinian, l’Allemagne prend aussi un risque calculé : celui d’apparaître comme un acteur direct dans cette lutte d’influence. Mais pour Berlin, qui soutient massivement l’Ukraine, la cohérence est totale : partout où la Russie tente de déstabiliser des processus démocratiques, l’Europe doit faire front.

Le 7 juin prochain ne sera donc pas une simple élection législative arménienne. Ce sera un référendum déguisé sur l’avenir géopolitique d’un pays, et peut-être d’une région entière. Et pour la première fois depuis longtemps, l’issue apparaît réellement incertaine.

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