Arrêt des règles, bouffées de chaleur, vertiges : aux symptômes physiques de la ménopause, souvent ignorés en France, s’ajoute un tabou social persistant. Pourtant, ce phénomène physiologique naturel concerne 14 millions de femmes dans l’hexagone. Il est grand temps de briser le silence et d’en parler ouvertement pour mieux comprendre et accompagner cette étape clé de la vie.
Un Tabou Vieux de Plusieurs Siècles
La vision négative de la ménopause ne date pas d’hier. Déjà au Moyen Âge, les femmes ménopausées étaient perçues comme “diabolisées” et “dangereuses”. Selon la professeure Micheline Misrahi-Abadou, auteure de “Nouvelles fertilités, nouvelles familles : Nouvelle humanité”, les médecins de l’époque pensaient que “les règles permettaient d’évacuer les impuretés du corps. La femme ménopausée, qui ne pouvait plus évacuer ses impuretés, était dangereuse à leurs yeux”.
Cette perception a accentué la diabolisation des femmes et les chasses aux sorcières aux XVI et XVIIe siècles. La ménopause était alors associée à une perte de féminité et de fécondité, donc de rôle social. S’en est suivie l’idée d’une période “dangereuse”, un “âge critique” pour les femmes.
La Ménopause, Fin de la Vie Sociale ?
Le terme “ménopause” lui-même n’apparaît en français qu’en 1816, sous la forme “menespausis”, dans un ouvrage du médecin Charles de Gardanne. Mais le tabou persiste, la ménopause étant considérée comme la fin de la vie sociale, la fertilité définissant la valeur d’une femme dans la plupart des sociétés.
“La ménopause est un sujet resté tabou, car considéré comme la fin de la vie sociale, la fertilité étant considérée comme un élément prépondérant de la valeur ajoutée d’une femme dans la plupart des sociétés.”
– Micheline Misrahi-Abadou, professeure et auteure
Des Symptômes Ignorés aux Lourdes Conséquences
Ne pas traiter la ménopause peut pourtant entraîner de graves problèmes de santé : pathologies cardiovasculaires (première cause de mortalité chez la femme), dépressions, troubles neurologiques ou encore maladie d’Alzheimer. En France, 87% des femmes présentent au moins un symptôme en plus de l’arrêt des règles, et 20 à 25% souffrent de troubles sévères affectant leur qualité de vie, indique une étude de l’Inserm publiée en septembre 2023.
Malgré ce constat alarmant, seules 6% des Françaises ont recours à un traitement hormonal lors de la ménopause. Un tabou qui n’a pas d’équivalent dans d’autres pays comme le Japon, où il n’existe même pas de mot pour en parler, l’arrêt des règles étant vu comme un processus naturel de la vie.
Briser le Silence et Sensibiliser Dès le Plus Jeune Âge
Il y a quelques jours, la chercheuse Micheline Misrahi-Abadou a cosigné une tribune “pour que le tabou tombe” sur cet événement naturel. Elle encourage à sensibiliser davantage, et ce, dès le plus jeune âge.
“Dans les collèges et les lycées, il est nécessaire de parler de ménopause dans le cadre des cours d’éducation sexuelle.”
– Micheline Misrahi-Abadou, professeure et auteure
Le gouvernement semble avoir pris la mesure de l’enjeu. Le ministère de la Santé vient d’annoncer le lancement d’une mission parlementaire sur la ménopause ce vendredi, à l’occasion de la journée mondiale consacrée à ce phénomène physiologique.
Il est temps de briser ce tabou ancestral et d’accompagner les 14 millions de Françaises concernées. En parler ouvertement, c’est déjà un grand pas vers une meilleure prise en charge de cette étape naturelle de la vie des femmes.