Au cœur du Finistère, à Porspoder, les vents du changement soufflent sur un paysage millénaire. Mais cette fois-ci, ce n’est pas l’énergie éolienne qui va modifier l’horizon. C’est au contraire un coup d’arrêt qui vient d’être donné à un projet d’installation de trois éoliennes, suite à la décision de justice saluée par les défenseurs du patrimoine local. Retour sur ce bras de fer entre la transition énergétique et la préservation de trésors préhistoriques d’une valeur inestimable.
Des menhirs sous le vent des éoliennes
C’est à quelques encablures des rivages bretons que se dressent fièrement les menhirs de Kergadiou, à Porspoder dans le Finistère. Classés Monuments historiques depuis 1883, ces géants de pierre sont les témoins silencieux des rites et croyances du néolithique. Le plus grand d’entre eux pointe vers le ciel à plus de 8 mètres de hauteur, n’ayant qu’un seul rival en taille sur tout le territoire français.
Mais récemment, leur sérénité millénaire a été troublée par un projet éolien devant s’implanter à seulement 540 mètres de là. Les pales des machines auraient alors tourné en arrière-plan de ce site préhistorique d’exception, pour le plus grand dam des riverains et des amoureux du patrimoine.
Un riche héritage à préserver
Pour Valérie Mallet, présidente de l’Association de protection de l’Aber Ildut (AP-Ildut), l’enjeu est de taille. Au micro de France Bleu, elle s’insurge : “Ce n’est pas trois éoliennes qui fournissent une énergie intermittente qui vont saccager une telle richesse patrimoniale”. Son association, aux côtés de riverains, a déposé un recours contre le projet éolien après sa validation par le préfet durant l’été 2022.
On aurait eu vraiment les pales des éoliennes qui auraient tourné en arrière-plan du menhir dressé.
Valérie Mallet, présidente de l’AP-Ildut
Et les arguments de l’association ont porté leurs fruits. Dans sa décision, le juge a reconnu la trop grande proximité des mégalithes de Kergadiou avec le site d’implantation prévu des éoliennes. Une victoire pour les défenseurs du patrimoine, savourée par la présidente de l’AP-Ildut : “On est extrêmement heureux.”
Éoliennes et patrimoine : un équilibre précaire
Si le site de Porspoder était propice à l’installation d’éoliennes de par sa situation géographique élevée, la présence d’un héritage archéologique d’une telle valeur à proximité immédiate a fait pencher la balance. Comme le souligne Valérie Mallet, ces menhirs sont là depuis 6000 ans, une pérennité que ne peuvent égaler des éoliennes à l’énergie intermittente.
Cette décision pourrait faire jurisprudence et encourager les associations de défense du patrimoine à s’opposer à des projets éoliens menaçant des sites historiques ou préhistoriques. L’AP-Ildut compte d’ailleurs déjà s’attaquer à un autre programme éolien dans le Pays d’Iroise.
Entre passé et avenir, un dialogue nécessaire
L’annulation du projet éolien de Porspoder met en lumière la nécessité de concilier avec soin la transition énergétique et la préservation du patrimoine. Si le développement des énergies renouvelables est crucial pour notre avenir, il ne peut se faire au détriment de trésors archéologiques irremplaçables.
Implanter des éoliennes requiert une étude approfondie de l’environnement local, tant naturel qu’historique. Les autorités et les entreprises du secteur éolien devront de plus en plus intégrer ces problématiques patrimoniales dans leur démarche. Un dialogue constructif avec les défenseurs du patrimoine et les populations concernées apparaît indispensable pour identifier les sites propices et ceux à préserver impérativement.
En plaçant l’humain et son héritage au cœur de la réflexion, la transition énergétique n’en sera que plus acceptable et durable. C’est tout l’enjeu des prochaines années : construire un avenir énergétique propre et pérenne, sans effacer les trésors du passé qui fondent notre identité. Les menhirs de Porspoder resteront les gardiens immémoriaux de cette mémoire à transmettre.