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Médecins sommés d’économiser sur les soins : vers une santé à deux vitesses ?

L'Assurance Maladie somme les médecins de réduire prescriptions et arrêts maladie en échange de hausses de tarifs. Entre restrictions et médecine à deux vitesses, quel avenir pour notre système de santé ? Décryptage d'un accord qui fait débat et inquiète de nombreux patients...

L’heure des économies a sonné pour les cabinets médicaux. Après d’âpres négociations, l’Assurance Maladie a signé un accord controversé avec les syndicats de médecins libéraux. Contre des revalorisations tarifaires, ces derniers s’engagent à réduire leurs prescriptions de médicaments, d’examens et d’arrêts maladie. Une pilule difficile à avaler pour de nombreux praticiens, pris en étau entre la nécessité d’équilibrer leurs comptes et leur mission de soigner au mieux leurs patients. Mais cette convention fait surtout craindre un accès aux soins plus restrictif et inégalitaire. Décryptage d’une réforme symptomatique des maux du système de santé.

Des tarifs en hausse contre des soins rationalisés

Dès le mois de décembre, la consultation chez le généraliste passera de 25 à 30€, celle des spécialistes augmentant aussi de quelques euros. Une bouffée d’oxygène financière pour des praticiens confrontés à la hausse des charges. Mais cette manne a un prix : la modération des prescriptions et des arrêts de travail, au cœur de ce donnant-donnant imposé par la Caisse nationale d’assurance maladie.

Les médecins devront faire mieux avec moins, au risque de rationner les soins.

Un généraliste

Pour les syndicats signataires, le deal était impossible à refuser au vu du contexte économique tendu. Mais pour de nombreux médecins, ces contreparties sont inacceptables et remettent en cause leur liberté de prescription, au détriment de la santé des patients.

Moins de médicaments, d’examens, d’arrêts : vers une médecine low-cost ?

Si la maîtrise des dépenses de santé est un impératif, beaucoup redoutent que ce soit au prix d’une médecine au rabais. Restreindre l’accès aux traitements, aux bilans ou aux arrêts maladie pourrait pénaliser les patients, en particulier les plus modestes et les plus fragiles.

  • Les génériques systématiquement privilégiés aux princeps plus chers
  • Des examens complémentaires limités au strict nécessaire
  • Des arrêts maladie raccourcis malgré les besoins des salariés

Certains craignent que les médecins soient incités financièrement à moins soigner, au mépris de l’intérêt des malades. L’Assurance maladie promet un suivi fin des pratiques pour éviter les dérives, mais le risque d’une médecine à deux vitesses, avec des soins plus accessibles aux patients aisés, est réel.

Priorité à la prévention et aux soins de premiers recours

Dans le même temps, cette convention valorise les actions de prévention, le suivi des maladies chroniques et la coordination des parcours de soins. Une approche plus globale et de long terme de la santé, centrée sur les soins primaires, qui pourrait réduire le recours aux soins spécialisés ou hospitaliers.

Mieux vaut prévenir que guérir, y compris pour les finances de l’Assurance Maladie.

Thomas Fatome, directeur général de la CNAM

Mais cet accent mis sur la médecine générale et préventive ne suffira pas à enrayer les difficultés d’accès aux soins liées aux déserts médicaux. Ni à répondre aux attentes des Français en termes de qualité et de proximité des soins sans augmenter franchement les moyens alloués à la santé.

Santé publique : des économies de bouts de chandelle ?

Pour combler le déficit chronique de l’Assurance Maladie, l’État mise sur la responsabilisation des médecins plus que sur des réformes structurelles. Une vision comptable et de court terme qui risque d’accroître les inégalités sans résoudre l’équation financière à long terme.

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Malgré les promesses d’économies, le trou de la Sécu continue de se creuser avec le vieillissement de la population et l’inflation des coûts médicaux. Il faudrait sans doute repenser plus globalement le financement et l’organisation de notre système de santé pour le sauvegarder, au-delà du seul conventionnement des médecins.

Entre des soins plus rationnés et une médecine à plusieurs vitesses, le remède de l’Assurance Maladie pourrait se révéler pire que le mal. La grogne des syndicats non signataires, les inquiétudes des patients et le malaise des soignants en témoignent. Reste à savoir si la nouvelle convention tiendra ses promesses en termes d’accès aux soins, de qualité des prises en charge et d’efficience du système. Au risque sinon d’un sévère effet secondaire : la perte de confiance des Français envers leur modèle social de santé solidaire et universel.

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