Au cœur de l’océan Indien, l’archipel de Mayotte, département français depuis 2011, se débat dans une spirale d’inégalités sociales et économiques alarmantes. Bien avant le passage dévastateur du cyclone Chido, ce petit territoire ultramarin affichait déjà des indicateurs préoccupants, avec un taux de chômage atteignant 37% de la population active et un niveau de vie sept fois plus faible qu’ailleurs en France.
Une démographie explosive
Selon les estimations de l’Insee au 1er janvier 2024, Mayotte compte 321 000 habitants. La population y est bien plus jeune qu’ailleurs en France, avec un âge moyen de seulement 23 ans, contre 41 ans en métropole. Cette jeunesse s’explique par une fécondité élevée, dépassant largement la moyenne nationale, avec 4,5 enfants par femme.
D’après l’institut statistique, les trois quarts des bébés nés en 2023 ont une mère étrangère, souvent comorienne, mais plus de la moitié d’entre eux ont au moins un parent français.
Un niveau de vie déplorable
Les données de l’Insee pour 2018 dressent un constat alarmant : le niveau de vie médian des Mahorais est sept fois inférieur à celui du reste de la France. La moitié de la population vit avec moins de 3 140 euros par an, contre 25 210 euros en Île-de-France et 10 990 euros en Guyane.
Conséquence de flux migratoires importants, une grande partie de la population vit avec très peu de ressources : 77% des habitants vivent sous le seuil de pauvreté national, soit cinq fois plus qu’en France métropolitaine.
Insee
Avec un produit intérieur brut (PIB) de 3 100 millions d’euros, Mayotte est le département français qui génère le moins de richesse, même rapporté au nombre d’habitants. Le PIB par habitant y est près de quatre fois inférieur à la moyenne nationale, en raison notamment d’un tissu économique encore très informel.
Un marché du travail sinistré
Le secteur marchand (commerce, transports, hôtellerie-restauration, immobilier…) est peu développé à Mayotte, contrairement au secteur tertiaire non marchand (administration publique, enseignement, santé, action sociale) qui concentre davantage d’emplois qu’ailleurs en France.
En 2023, l’enquête emploi de l’Insee révèle que 29 000 personnes étaient au chômage au sens du BIT, soit 37% de la population active. Un taux record, en hausse de 7 points depuis la sortie de la crise sanitaire, à contre-courant de la tendance nationale (7,5% fin 2023 hors Mayotte).
Des entreprises fragilisées
Si les créations d’entreprises ont stagné en 2023 à Mayotte, le micro-entrepreneuriat a poursuivi son essor (+19,7%). Mais la dynamique économique post-Covid s’est essoufflée, pénalisée par de multiples chocs : renchérissement du crédit, crise sécuritaire, opération « Wuambushu », pénuries d’eau potable…
Selon une étude de la CCI menée auprès de 254 entrepreneurs, 52% d’entre eux ont subi un impact très important de ces crises successives sur leur chiffre d’affaires. Au premier trimestre 2024, un mouvement social de 45 jours a paralysé l’île, perturbant l’économie avec des pénuries de marchandises et un confinement des travailleurs.
Un avenir incertain
Enfermé dans un cercle vicieux de pauvreté et de chômage de masse, Mayotte peine à offrir des perspectives à sa jeunesse. Les pouvoirs publics sont confrontés à un défi immense pour réduire les inégalités criantes qui minent le développement de ce territoire. Le passage du cyclone Chido risque encore d’aggraver une situation socio-économique déjà critique.
Face à l’ampleur des défis, une mobilisation sans précédent de l’État et des acteurs locaux s’impose pour bâtir un nouveau modèle de développement, plus inclusif et durable. Sans quoi Mayotte pourrait sombrer dans une spirale de désespérance, aux portes de la France.