C’est un bilan qui donne le vertige. Selon les premières estimations de la Caisse Centrale de Réassurance (CCR), le montant des dégâts causés par le cyclone Chido à Mayotte et pris en charge par les assurances se situerait entre 650 et 800 millions d’euros. Du jamais vu pour ce petit département français de l’océan Indien, déjà meurtri par la pauvreté et les tensions sociales. Car cette évaluation, aussi colossale soit-elle, ne reflète qu’une infime partie de l’ampleur des destructions.
Un territoire vulnérable et peu assuré
Mayotte, 270 000 habitants dont la moitié vit sous le seuil de pauvreté. Une île où les habitations de fortune côtoient les immeubles insalubres surpeuplés. Où seulement 6% des bâtiments sont couverts par une assurance habitation selon la CCR. Un taux dérisoire qui s’explique par la précarité d’une large part de la population mais aussi par un sous-équipement chronique en matière de services essentiels comme l’accès à l’eau, à l’électricité ou à la santé.
Dans ces conditions, difficile pour les Mahorais de souscrire une assurance quand la priorité est de survivre au quotidien. D’où ce chiffre faramineux de 800 millions d’euros de dégâts assurés qui ne représente que la partie émergée d’un désastre bien plus profond. Car au-delà des bâtiments détruits ou endommagés, c’est toute l’économie de l’île qui est touchée.
Des dégâts considérables et des défis immenses
À Mamoudzou, la capitale économique, des quartiers entiers ont été dévastés. Commerces éventrés, stocks anéantis, entreprises à l’arrêt… Les pertes sont considérables pour ce tissu économique fragile, déjà exsangue après la crise du Covid. Quant à l’agriculture, pilier traditionnel de l’île, elle est tout simplement décimée. Cultures vivrières ravagées, exploitations détruites, bétail décimé. Pour les agriculteurs mahorais qui ne bénéficient pas des mêmes aides que leurs homologues métropolitains, la catastrophe est totale.
Face à ce bilan effroyable, l’État a promis une aide d’urgence et une indemnisation rapide des sinistrés. Mais au-delà du court terme, c’est une véritable politique de développement et de réduction des inégalités qu’il faudra mettre en place pour reconstruire durablement ce territoire déjà si vulnérable. Un défi colossal et de long terme qui nécessitera une mobilisation sans précédent de la solidarité nationale et européenne.
Un deuil national historique
En attendant, Mayotte pleure ses morts et panse ses plaies. Pour la première fois sous la Ve République, un deuil national sera observé le 23 décembre en hommage aux victimes d’une catastrophe naturelle. Un symbole fort de l’unité de la Nation face à l’adversité mais qui ne doit pas occulter l’impérieuse nécessité d’une action résolue et pérenne pour sortir Mayotte de l’ornière. Car au-delà de la reconstruction matérielle, c’est aussi la dignité et l’espoir qu’il faudra redonner à ce département français oublié, si proche et pourtant si lointain.
Ce qui se joue aujourd’hui à Mayotte, c’est le choix entre la solidarité et l’abandon, entre l’unité et la fracture.
Un élu local qui a requis l’anonymat
Mayotte et les Comores : une relation complexe
Impossible d’évoquer la situation de Mayotte sans parler de ses liens troubles avec l’archipel voisin des Comores dont elle s’est séparée en 1974 pour rester française. Une indépendance mal digérée par l’Union des Comores qui continue de revendiquer la souveraineté sur l’île aux parfums. Tensions diplomatiques, immigration clandestine massive, expulsions à répétition… Les deux entités entretiennent des rapports compliqués, source de crispations des deux côtés du bras de mer qui les sépare.
Face au cyclone Chido, le président comorien Azali Assoumani a décrété lui aussi un deuil national. Un geste vu par certains comme une nouvelle tentative de s’immiscer dans les affaires intérieures mahoraises mais qui témoigne aussi de l’impuissance des Comores, l’un des pays les plus pauvres au monde, à venir en aide à sa diaspora durement touchée. Car le défi de la reconstruction à Mayotte est indissociable de celui du co-développement régional. Une équation politique et humaine à laquelle la catastrophe actuelle vient tragiquement nous rappeler.