Plus de dix jours après le passage dévastateur du cyclone Chido sur l’archipel français de Mayotte, la colère gronde parmi les élus locaux. Ils dénoncent un écart alarmant entre les annonces de l’État et le manque criant d’aide concrète sur le terrain. Une situation critique qui soulève de nombreuses questions sur la gestion de cette crise humanitaire.
Des communes livrées à elles-mêmes
Malgré la mobilisation affichée, force est de constater que l’aide peine à se matérialiser dans les communes sinistrées. Sitirati Mroudjae, responsable de l’action sociale à Dembeni sur Grande-Terre, déplore :
On voit que la mobilisation est là, mais ce n’est pas concret sur le terrain. Eau, denrées alimentaires, on n’en a pas vu la couleur. On se débrouille comme on peut.
Faute de quantités suffisantes, les autorités locales sont contraintes de choisir à qui donner et à qui ne pas donner. Les centres d’hébergement d’urgence ont même dû fermer leurs portes, incapables de nourrir les familles. Une situation incompréhensible pour l’élue, qui y voit « une question de vie ou de mort ».
Un « effet de communication » en décalage avec le terrain
Saïd Salim, responsable départemental de l’action sociale de Mayotte, pointe du doigt un « effet de communication pour dire ‘on maîtrise’, mais sur le terrain, il y a un écart ». Les rues de l’archipel, où toutes les communes ont été touchées et les bidonvilles rasés, sont jonchées de déchets, faisant craindre des risques sanitaires.
L’ancienne ministre des Outre-mer Ericka Bareigts s’indigne : « Où est l’armée ? Qu’est-ce qu’ils font ? » Pourtant, près de 3 800 personnels de la sécurité civile, de la police, de la gendarmerie et des armées seraient engagés sur place, dont 1 500 en renfort.
Une population en détresse
Chez les Mahorais, la déception, la frustration et la colère montent. Adam Boto, habitante de Petite-Terre âgée de 41 ans, interpelle les élus :
On ne nous a rien donné ! On est en train de crever de faim, de crever de soif. Aidez-nous.
Malgré les 14 millions d’euros de dons récoltés par la Fondation de France, l’argent tarde à se concrétiser en actions sur le terrain. Luc Carvounas, président de l’association nationale des centres d’aide sociale, fustige : « Il ne suffit pas d’avoir de l’argent sur un compte, il faut que ça soit vite utilisé sur le terrain ».
Une solidarité inter-territoires à bout de souffle
Face à l’ampleur de la catastrophe, de nombreuses collectivités locales ont débloqué des fonds en soutien à Mayotte. Mais selon les élus, la population et les collectivités restent « livrées à elles-mêmes ». L’État demanderait aux communes volontaires de s’organiser seules.
La Réunion, à plus de 1 400 km de Mayotte, est aux premières loges de l’organisation de la solidarité. Mais la maire Ericka Bareigts s’inquiète de la capacité de son territoire « fragile » à soutenir Mayotte sur la durée. Elle anticipe des déplacements de population mahoraise vers l’île, notamment pour se soigner ou scolariser les enfants.
Des élus de métropole dénoncent aussi le manque « d’organisation étatique » pour acheminer l’aide humanitaire et matérielle. Yves Calippe, responsable du centre d’aide sociale du Mans, résume : « L’État, dans les territoires, est absent pour nous aider à coordonner tout ça ».
Des promesses à concrétiser d’urgence
Bruno Retailleau, ministre de l’Intérieur reconduit dans le nouveau gouvernement, a affirmé que « jamais une telle logistique, aussi massive, aussi immédiate, n’a été déployée » en France. Des propos en décalage avec la réalité vécue par les Mahorais.
Il est urgent que l’État passe des promesses aux actes concrets pour soulager les souffrances d’une population durement éprouvée. La colère des élus doit être entendue et des solutions rapides apportées pour éviter une aggravation de la crise humanitaire à Mayotte. Chaque jour compte pour redonner espoir aux sinistrés.