C’est un procès qui pourrait faire date. Ce vendredi, un tribunal de Palerme en Sicile rend son verdict dans l’affaire qui oppose l’État italien à Matteo Salvini. L’influent homme politique, actuel vice-premier ministre, est jugé pour avoir bloqué un navire humanitaire transportant des migrants en Méditerranée en août 2019, lorsqu’il était ministre de l’Intérieur. Les faits qui lui sont reprochés sont lourds : abus de pouvoir et séquestration de personnes. Et la sentence pourrait l’être tout autant, puisque Salvini risque jusqu’à 6 ans de prison.
147 migrants retenus en otages pendant près de 3 semaines
Retour sur les faits. En août 2019, le navire Open Arms de l’ONG espagnole du même nom, avec 147 migrants à son bord secourus en mer, se voit refuser l’accès aux ports italiens sur ordre de Matteo Salvini, alors ministre de l’Intérieur. S’ensuit un bras de fer de près de trois semaines, une situation de blocage inédite qui fera la Une des médias du monde entier.
Malgré les offres d’autres pays européens pour accueillir les migrants et l’intervention de personnalités comme l’acteur Richard Gere en soutien, Salvini campe sur sa position, appliquant sa politique des « ports fermés ». Ce n’est qu’après 19 jours d’impasse et une décision de justice que les rescapés sont autorisés à débarquer sur l’île de Lampedusa, dans des conditions sanitaires déplorables selon l’équipage.
Soutien des alliés européens et d’Elon Musk
Jugé depuis octobre 2021 pour ces faits, Matteo Salvini crie à « l’acharnement judiciaire » et à la « criminalisation » de sa politique migratoire. Il peut compter sur le soutien inconditionnel de ses alliés nationalistes et conservateurs en Europe, réunis au sein du groupe « Les patriotes » au Parlement européen.
Selon une source proche, le Premier ministre hongrois Viktor Orban a récemment affiché son soutien à Salvini en portant un t-shirt à son effigie avec la mention « Coupable ». Même Elon Musk s’est invité dans la partie, estimant « fou que Salvini soit jugé pour avoir défendu l’Italie ».
La Première ministre Meloni prend la défense de son ministre
Matteo Salvini peut surtout compter sur le soutien total de Giorgia Meloni, la Première ministre italienne. Malgré leurs différends personnels, la cheffe de l’exécutif ultra-conservateur a toujours défendu l’action de Salvini, allant jusqu’à qualifier d' »incroyable » qu’il risque la prison « pour avoir fait son travail en défendant les frontières ».
Il faut dire que Meloni mène elle-même une politique migratoire très restrictive depuis son arrivée au pouvoir, multipliant les obstacles légaux et logistiques contre les navires humanitaires.
Un verdict aux lourdes conséquences politiques
Au-delà du sort personnel de Matteo Salvini, c’est toute la politique migratoire italienne qui est jugée à Palerme. Une condamnation pourrait créer un précédent majeur et compliquer la tâche du gouvernement Meloni qui continue de verrouiller ses ports.
Mais même en cas de condamnation, une peine de prison ferme semble peu probable. Salvini bénéficierait d’un droit d’appel qui suspendrait la sentence. Politiquement, selon des analystes, une condamnation pourrait paradoxalement renforcer le tribun souverainiste dans son rôle de martyr.
L’épilogue d’une longue saga judiciaire
Ce procès est en fait le second concernant la politique des « ports fermés » de Salvini. Il avait déjà été poursuivi pour des faits similaires en juillet 2019 pour avoir bloqué 116 migrants sur un navire des gardes-côtes italiens. Une affaire finalement abandonnée en 2021 après un vote du Sénat en sa faveur.
Mais cette fois, l’immunité parlementaire du leader de La Ligue n’a pas joué. Les sénateurs ont voté en 2020 sa levée, permettant l’ouverture du procès. Le verdict est donc très attendu ce vendredi. Matteo Salvini assure qu’il se rendra au tribunal « la tête haute », estimant avoir agi pour « défendre la nation ». Le « Capitaine » comme l’appellent ses partisans joue peut-être là l’une des batailles les plus décisives de sa tumultueuse carrière politique.