La nomination cette semaine de Matt Gaetz au poste de ministre de la Justice par le président Donald Trump soulève une vague d’inquiétudes et de réserves, y compris dans les rangs républicains. Ce choix inattendu de l’un des plus fidèles lieutenants de Trump pour diriger le Department of Justice, tentaculaire administration fédérale chargée de l’appareil judiciaire du pays, fait grincer des dents jusqu’au Sénat.
Des qualifications remises en question
À 42 ans, le parcours de Matt Gaetz interroge sur son adéquation avec les hautes responsabilités qui l’attendent. Diplômé en droit en 2007 d’une université classée loin derrière les plus prestigieuses du pays, il n’a que peu exercé comme avocat et ne possède aucune expérience comme procureur, un prérequis pourtant essentiel pour un futur Attorney General à la tête du ministère de la Justice.
En comparaison, l’actuel ministre Merrick Garland, issu de Harvard, a gravi tous les échelons : procureur fédéral, juge à la cour d’appel de Washington traitant des dossiers majeurs, jusqu’à être nommé à la Cour Suprême par Barack Obama, nomination finalement bloquée par les républicains.
Un passé judiciaire qui le rattrape
Connu pour ses positions conservatrices radicales, le représentant de Floride est visé par plusieurs enquêtes qui entachent sa probité. Des procureurs dépendant du ministère qu’il s’apprête à diriger ont mené des investigations sur une relation sexuelle présumée avec une mineure de 17 ans. Si l’élu assure que l’affaire s’est conclue par un non-lieu en 2023, elle jette une ombre sur son intégrité.
Matt Gaetz n’en a pas fini avec la justice puisque la commission d’éthique de la Chambre des représentants a lancé d’autres enquêtes le visant, pour infractions sexuelles présumées, consommation de drogues, détournements de fonds et autres fautes professionnelles. En démissionnant précipitamment de son mandat de représentant mercredi, il a mis un terme brutal à ces investigations, suscitant l’indignation de certains élus réclamant que le rapport soit rendu public.
Un trublion qui divise jusque dans son camp
Habitué des coups d’éclat et des provocations, comme se présenter à la Chambre avec un masque à gaz en pleine crise du Covid ou inviter un négationniste au Capitole, le turbulent élu est loin de faire l’unanimité. Ses détracteurs l’accusent de privilégier la confrontation avec les démocrates plutôt que son travail de législateur. C’est lui qui a précipité en octobre la chute du président républicain de la Chambre Kevin McCarthy.
Si Donald Trump vante « un juriste tenace et extrêmement doué », des sénateurs de son propre camp expriment publiquement leurs doutes quant à ce profil atypique pour diriger la Justice. « Choquée » pour Susan Collins, « pas une nomination sérieuse » pour Lisa Murkowski, cette désignation surprise annonce une confirmation pour le moins houleuse au Sénat, avec le risque d’un camouflet inédit pour le début de mandat du nouveau président.
La personnalité clivante de Matt Gaetz et son parcours sulfureux constituent-ils un handicap rédhibitoire pour endosser le costume de ministre de la Justice ? Ou sa loyauté sans faille envers Donald Trump primera-t-elle ? Réponse dans les prochaines semaines, avec un processus de confirmation au Sénat qui s’annonce explosif, véritable test pour la nouvelle administration Trump.
