Dans un geste historique, le gouvernement sénégalais vient d’annoncer le lancement de fouilles archéologiques visant à faire toute la lumière sur le nombre exact de tirailleurs africains tués par les forces coloniales françaises en 1944, près de Dakar. Ce massacre, survenu au camp militaire de Thiaroye alors que les tirailleurs réclamaient le paiement de leurs arriérés de solde, est resté une plaie ouverte dans la mémoire collective sénégalaise. Les zones d’ombre entourant les circonstances précises de cette tuerie et surtout le bilan humain réel n’ont cessé d’alimenter les revendications de nombreux chercheurs pour que la vérité éclate enfin au grand jour.
Un pas décisif vers la manifestation de la vérité
Le Premier ministre sénégalais, Ousmane Sonko, a informé mercredi lors d’un conseil des ministres que son gouvernement attendait encore des compléments d’informations nécessaires pour établir toute la vérité sur le nombre de victimes de ce massacre. Face à cette contrainte, dont la nature et l’origine n’ont pas été précisées, la décision a été prise de mener des fouilles archéologiques. Si les lieux exacts de ces excavations n’ont pas encore été révélés, deux sites sont pressentis : le cimetière de Thiaroye où des victimes auraient été inhumées, et le camp militaire voisin, théâtre de la tragédie.
La volonté de rompre avec l’obscurantisme
Cette décision du gouvernement sénégalais, qui se réclame du souverainisme et prône la rupture avec l’ancien système, marque un tournant. Elle répond à une vieille doléance de la communauté des chercheurs qui n’ont eu de cesse de réclamer que la lumière soit faite sur ce pan sombre de l’histoire. Déjà, un comité de chercheurs a été mis en place et doit rendre un rapport en avril sur ce massacre enfin reconnu comme tel par la France à la veille de la commémoration de son 80e anniversaire le 1er décembre dernier.
Le gouvernement sénégalais a annoncé mercredi des « fouilles archéologiques » pour connaître « la vérité » sur le nombre de tirailleurs africains tués en 1944 par les forces coloniales françaises, près de Dakar, alors qu’ils réclamaient leurs soldes, une vieille revendication de chercheurs.
Communiqué du gouvernement sénégalais
Un devoir de mémoire inédit
Au-delà des fouilles, le Sénégal a décidé cette année de commémorer avec une envergure sans précédent ce tragique épisode du 1er décembre 1944. Des artères, des places et des édifices porteront désormais les noms des victimes de Thiaroye dont l’histoire sera également enseignée dans les écoles du pays. Un hommage national pour ne jamais oublier ces tirailleurs venus de différents pays africains qui, après avoir combattu pour la France en Europe, ont été fauchés par les balles de l’armée coloniale alors qu’ils ne réclamaient que leur dû.
Des zones d’ombre persistantes
Malgré cette volonté affichée de transparence, de nombreuses interrogations subsistent autour du massacre de Thiaroye. Les circonstances exactes du drame, le nombre précis de tirailleurs tués, leur identité et le lieu où ils reposent restent à ce jour entourés de mystère. Si les autorités françaises de l’époque avaient reconnu 35 morts, des historiens évoquent un bilan bien plus lourd pouvant atteindre 400 victimes. Autant de questions auxquelles les fouilles qui s’annoncent devront tenter de répondre pour enfin établir la vérité et honorer la mémoire de ces tirailleurs sacrifiés.
Un long combat pour la vérité et la justice
La décision du Sénégal de lancer ces investigations marque une étape cruciale dans la quête de vérité et de justice portée depuis des décennies par les familles des victimes, les chercheurs et la société civile. Elle témoigne d’une volonté de lever enfin le voile sur l’un des épisodes les plus tragiques et les plus controversés de l’histoire coloniale française en Afrique. Face aux réticences de la France, accusée de retenir des documents d’archives permettant d’établir le bilan réel de la tuerie, le gouvernement sénégalais semble déterminé à aller jusqu’au bout pour honorer la mémoire des disparus et offrir à leurs descendants la vérité qu’ils réclament depuis si longtemps.
Les fouilles archéologiques annoncées constituent un espoir immense pour tous ceux qui se battent pour la reconnaissance pleine et entière de ce crime colonial longtemps occulté. Elles pourraient enfin permettre de donner un visage, un nom et une sépulture digne à chacun de ces tirailleurs tombés sous les balles françaises ce 1er décembre 1944. Plus qu’une question mémorielle, c’est un enjeu de dignité et de justice qui se joue à travers cette initiative du gouvernement sénégalais. En osant affronter ce passé douloureux, le Sénégal ouvre la voie à une nécessaire rupture avec les non-dits et les complaisances qui ont trop longtemps prévalu dans le regard porté sur l’histoire partagée entre la France et ses anciennes colonies.
Le lancement de ces fouilles marque ainsi un pas décisif vers l’établissement d’une vérité historique trop longtemps refoulée. Une vérité attendue par tout un peuple, indispensable à la construction d’une mémoire apaisée et d’une relation nouvelle, débarrassée des ombres du passé colonial, entre la France et le Sénégal. Une vérité nécessaire aussi, à l’heure où les questions mémorielles agitent plus que jamais les consciences, pour regarder en face les pages les plus sombres de notre histoire commune et bâtir ensemble un avenir tourné vers la lumière.