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Massacre de Tak Bai : Les familles réclament justice

20 ans après le drame, les familles des victimes du massacre de Tak Bai en Thaïlande expriment leur colère alors que les responsables échappent à la justice. Malgré une plainte pénale, le délai de prescription met fin aux espoirs de voir les coupables punis pour ce crime qualifié de "crime contre l'humanité". Les proches continuent de réclamer une enquête indépendante...

Vendredi 25 octobre 2024 marque un triste anniversaire en Thaïlande : il y a 20 ans jour pour jour, 78 personnes périssaient étouffées à l’arrière de camions militaires lors du tristement célèbre “massacre de Tak Bai”. Mais cette date signe aussi la fin de tout espoir de justice pour les familles des victimes. En effet, le délai de prescription expire, entraînant l’abandon des accusations de meurtre portées contre sept suspects.

Ce vendredi matin, une centaine de proches des disparus et de survivants se sont rassemblés dans un cimetière de la province de Narathiwat, dans le sud du pays, pour prier devant une fosse commune à la mémoire des victimes. L’émotion et la colère étaient palpables. “Il n’existe pas de justice dans notre pays”, a déclaré avec amertume Khalija Musa, dont le frère Sari figure parmi les personnes tuées ce jour funeste d’octobre 2004.

Un symbole de l’impunité de l’État

Pour les organisations de défense des droits de l’homme, le massacre de Tak Bai est devenu le triste symbole de l’impunité dont jouissent les forces de sécurité dans le sud de la Thaïlande, une région à majorité musulmane en proie depuis des années à une insurrection séparatiste. Ce 25 octobre 2004, les forces de l’ordre avaient ouvert le feu sur des manifestants rassemblés devant un commissariat, faisant sept morts. 78 autres personnes avaient ensuite péri asphyxiées après avoir été arrêtées et entassées dans des camions militaires, ligotées et couchées face contre terre.

Malgré la gravité des faits, aucun membre des forces de sécurité n’a jamais été emprisonné pour ces exécutions extrajudiciaires. Une situation d’impunité dénoncée par les familles des victimes et les défenseurs des droits humains.

Une plainte pénale sans suite

En août dernier, un espoir était né quand un tribunal provincial avait accepté une plainte pénale déposée par les familles contre sept hauts responsables de l’époque, dont l’ancien Premier ministre Thaksin Shinawatra. Un “premier pas crucial vers la justice” selon Amnesty International. Mais les accusés ont réussi à éviter de comparaître, empêchant l’affaire de progresser. Et ce lundi, la justice devrait officialiser l’abandon des poursuites, le délai de prescription de 20 ans étant atteint.

La Première ministre actuelle, Paetongtarn Shinawatra, fille de Thaksin Shinawatra, a présenté des excuses jeudi mais assuré qu’il n’était légalement pas possible de prolonger le délai. Un argument qui ne convainc pas les familles :

“Nous ne sommes pas égaux. Nous, les habitants des provinces les plus méridionales, ne faisons pas partie de la famille thaïlandaise. Nos voix ne sont tout simplement pas assez fortes”

– Khalija Musa, sœur d’une victime

Un “crime contre l’humanité” qui restera impuni

La Société civile pour la paix, qui regroupe les familles et survivants, exhorte le gouvernement à mettre en place une commission d’enquête indépendante, incluant des experts internationaux. Elle dénonce un “crime contre l’humanité” qui va rester impuni. Un avis partagé par plusieurs experts de l’ONU qui se disent “extrêmement alarmés” et rappellent que ne pas juger les responsables viole les obligations internationales de la Thaïlande en matière de droits humains.

Mais dans un pays où bouddhistes et musulmans cohabitent parfois difficilement, et alors que le conflit dans le sud a déjà fait plus de 7000 morts depuis 2004, il y a peu de chances que justice soit rendue aux victimes de Tak Bai. 20 ans après, leurs proches sont condamnés à porter seuls le poids de ce douloureux souvenir et de cette quête de vérité inachevée.

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