Masha Gessen, éminente journaliste russo-américaine réputée pour son regard critique sur le régime de Vladimir Poutine, vient d’être lourdement condamnée en Russie. Les tribunaux moscovites lui ont infligé une peine de 8 ans de prison par contumace pour avoir tenu des propos jugés “mensongers” sur l’armée russe. Cette sentence sans appel illustre la vague de répression qui déferle actuellement sur les voix dissidentes en Russie, particulièrement celles dénonçant l’offensive militaire en Ukraine.
Masha Gessen dans le viseur du Kremlin
Masha Gessen n’en est pas à sa première confrontation avec le pouvoir russe. Cette journaliste aguerrie, qui a collaboré avec de nombreux médias russes et américains de renom, est une figure de proue du mouvement de défense des droits LGBT+ en Russie. Farouche opposante à Vladimir Poutine, elle a publié plusieurs ouvrages décortiquant les rouages du système poutinien.
Mais c’est en s’exprimant sur le massacre de Boutcha, petite ville ukrainienne théâtre d’exactions imputées à l’armée russe lors de son retrait au printemps 2022, que Masha Gessen a déclenché les foudres de Moscou. Le Kremlin nie farouchement toute implication, en dépit de nombreux témoignages et preuves incriminant les militaires russes.
Un procès expéditif, une peine lourde
Au terme d’une procédure judiciaire expéditive, Masha Gessen a été reconnue coupable par un tribunal moscovite de diffusion d’informations mensongères sur l’armée. Une accusation qui fait désormais l’objet d’une législation draconienne en Russie, dans le contexte de l’offensive en Ukraine. La sentence est tombée tel un couperet : 8 ans de réclusion. Masha Gessen, qui réside aux États-Unis, a été condamnée par contumace.
La journaliste russo-américaine Masha Gessen, très critique de Vladimir Poutine, a été condamnée ce lundi 15 juillet en Russie à huit ans de prison par contumace pour des propos, selon l’accusation, mensongers sur l’armée russe.
– Le Figaro avec AFP
Une répression tous azimuts
Le cas de Masha Gessen est loin d’être isolé. Depuis le début de l’intervention militaire en Ukraine, les autorités russes ont engagé une vaste campagne de répression visant tous ceux qui osent exprimer leur désaccord ou critiquer le Kremlin. Journalistes, militants, opposants politiques, simples citoyens : personne n’est épargné dans cette chasse aux voix discordantes.
- Sergueï Mingazov, journaliste de l’édition russe de Forbes, a été arrêté en avril 2024 pour ses publications sur le massacre de Boutcha.
- L’opposant Ilia Iachine purge une peine de 8 ans et demi de prison pour avoir dénoncé “le meurtre de civils” dans cette même ville.
- Elena Kotionotchkina, ex-élue municipale, a écopé de 7 ans et demi de réclusion pour avoir soutenu un autre élu condamné pour ses prises de position anti-guerre.
Ces exemples ne sont que la partie émergée d’un lourd iceberg répressif. Dans un climat de censure et d’intimidation, la liberté d’expression est mise à rude épreuve en Russie. Évoquer la situation en Ukraine en des termes non-approuvés par le pouvoir expose à des poursuites judiciaires, voire à de lourdes peines de prison. Les médias indépendants et les ONG sont muselés ou contraints à l’exil.
Un inquiétant retour en arrière
Pour de nombreux observateurs, cette vague répressive marque un préoccupant recul des libertés en Russie. Le pays semble renouer avec les heures les plus sombres de son histoire soviétique, quand toute dissidence était impitoyablement réprimée. La condamnation de Masha Gessen apparaît comme un nouveau symbole de cette dérive autoritaire.
Face à cette escalade, les appels à la libération des prisonniers d’opinion se multiplient sur la scène internationale. Mais le régime de Vladimir Poutine, qui s’est considérablement durci ces dernières années, semble pour l’heure peu enclin à infléchir sa ligne. Dans ce contexte, le sort de Masha Gessen et de tous ceux qui osent encore faire entendre une voix dissonante en Russie reste plus que jamais en suspens.