Une véritable onde de choc secoue les Outre-mer suite à la censure du gouvernement Barnier à l’Assemblée nationale. Conséquence immédiate : la suspension du protocole vie chère signé en octobre dernier pour endiguer la crise en Martinique, ainsi que le gel du milliard d’euros promis à la Nouvelle-Calédonie, en proie à de violentes émeutes. C’est ce qu’a annoncé François-Noël Buffet, le ministre démissionnaire des Outre-mer, dans un entretien accordé au journal Ouest-France.
Le protocole vie chère en Martinique suspendu
Fruit d’un accord signé le 16 octobre après six semaines d’une mobilisation émaillée de violences, le protocole prévoyait une baisse de 20% sur 6000 produits de première nécessité d’ici janvier 2025, ainsi qu’une diminution voire une suppression de la TVA. Mais avec la chute du gouvernement, ces mesures sont remises en cause. « Nous ne serons jamais en capacité d’avoir effectivement -20 %, au 1er janvier 2025, sur les 6.000 produits qui étaient prévus », a déclaré François-Noël Buffet, ajoutant que « puisque ce n’est pas voté, cela ne s’applique pas ».
Cette suspension risque d’attiser les tensions dans une île déjà à vif, où les manifestations contre la vie chère ont dégénéré en émeutes, avec plus de 230 véhicules brûlés et des dizaines de commerces pillés ou vandalisés selon la préfecture. Le ministre démissionnaire craint que cela « ajoute de l’angoisse et du stress sur des territoires qui n’en ont pas besoin et qui aspirent surtout au calme et à la sérénité ».
Un milliard d’euros gelé pour la Nouvelle-Calédonie
Au-delà de la Martinique, c’est aussi la Nouvelle-Calédonie qui se retrouve impactée par la censure. Ce territoire du Pacifique a été secoué mi-mai par des émeutes d’une ampleur inédite, avec un bilan très lourd : 13 morts et plus de 2,2 milliards d’euros de dégâts matériels selon les autorités locales. Pour aider à la reconstruction, le gouvernement avait promis une enveloppe d’un milliard d’euros. Mais là encore, le budget n’ayant pas été voté, « il n’y a pas le milliard d’euros annoncé pour la Nouvelle-Calédonie », a confirmé François-Noël Buffet.
Nous sommes sans rien, disons les choses telles qu’elles sont. Pour l’instant, tout s’arrête.
François-Noël Buffet, ministre démissionnaire des Outre-mer
Le ministre craint que cela « présage des difficultés pour un territoire qui a besoin d’une aide financière importante », estimant que « le gouvernement, les provinces et les communes termineront l’année avec les aides que nous leur avons accordées mais débuteront 2025 avec une difficulté assez rapide, de l’ordre du trimestre potentiellement ».
Les Outre-mer dans l’incertitude
Cette situation inédite plonge les territoires ultramarins dans une grande incertitude, alors qu’ils espéraient des mesures fortes pour répondre à leurs revendications sociales et apaiser les tensions. En Martinique, le protocole vie chère était vu comme un premier pas pour lutter contre les inégalités et endiguer la spirale de violence. En Nouvelle-Calédonie, le milliard promis devait permettre de panser les plaies et de reconstruire après les émeutes dévastatrices.
Mais avec la chute du gouvernement, tous ces efforts sont remis en question. Les élus locaux et les acteurs de terrain redoutent une nouvelle flambée de colère si les engagements ne sont pas tenus. Beaucoup appellent à trouver rapidement des solutions pour ne pas laisser ces territoires fragiles dans l’impasse.
Un avenir incertain pour les Outre-mer
Au-delà des aides d’urgence, c’est tout l’avenir des Outre-mer qui semble suspendu aux aléas de la vie politique nationale. Ces territoires éloignés souffrent de handicaps structurels et peinent à faire entendre leur voix. Ils attendent des réponses concrètes à leurs problèmes de vie chère, de chômage, d’insécurité, d’accès aux services publics…
Mais avec l’instabilité gouvernementale et les atermoiements budgétaires, difficile pour eux de se projeter sereinement. Beaucoup craignent que leurs préoccupations ne passent au second plan, noyées dans les turbulences politiques de l’Hexagone. Un sentiment d’abandon qui pourrait raviver les rancœurs et les tentations séparatistes.
Face à ces inquiétudes, le ministre démissionnaire des Outre-mer en appelle à la « responsabilité » des acteurs politiques pour ne pas laisser ces territoires « dans l’angle mort ». Il plaide pour que les engagements pris soient honorés, malgré le contexte difficile, afin de renouer le dialogue et la confiance. Un vœu pieux tant que l’horizon politique national ne sera pas éclairci ?
Il faut absolument sanctuariser les moyens dédiés aux Outre-mer. On ne peut pas les prendre en otage des soubresauts politiques.
Un élu local martiniquais
Une chose est sûre : l’avenir des Outre-mer se jouera aussi à Paris. Dans les ministères où se décident les arbitrages budgétaires. À l’Assemblée où se votent les lois et les crédits. À l’Élysée où s’impulsent les priorités de l’action publique. Autant de lieux de pouvoir encore trop éloignés des réalités et des aspirations ultramarines. Un fossé qu’il faudra pourtant combler pour écrire une nouvelle page, apaisée et constructive, de la relation entre la France et ses territoires d’Outre-mer. Le chemin s’annonce encore long et semé d’embûches.