C’est un incident qui en dit long sur le climat d’insécurité qui règne dans certains quartiers de Marseille. Samedi dernier, en fin d’après-midi, un individu armé circulant en scooter a forcé un bus de la ligne 23 à s’arrêter en plein trajet, au niveau de la cité de la Cayolle dans le 9e arrondissement. Une scène surréaliste et terrifiante pour les passagers et le chauffeur, pris en otage par ce qui semble être un règlement de comptes entre dealers.
Quand les transports en commun deviennent le théâtre de la violence
Selon les informations recueillies par France Bleu Provence, l’homme armé recherchait apparemment deux passagers qui se trouvaient dans le bus. La Cayolle n’est malheureusement pas un quartier inconnu des services de police. C’est l’un des plus gros points de vente de drogue de la cité phocéenne, où la violence peut exploser à tout moment.
Pour les chauffeurs de la RTM (Régie des Transports Métropolitains), ce genre d’incident est devenu presque banal. Laurent, qui conduit sur la ligne 23, témoigne de la peur au ventre qui l’habite à chaque fois qu’il entre dans le quartier. “Quand on arrive à la Cayolle, maintenant on regarde à droite, à gauche, ce qui peut nous arriver”, confie-t-il, toujours en alerte.
Des agressions et des barrages de dealers au quotidien
Ce n’est pas la première fois que les transports en commun sont pris pour cible dans ce quartier gangréné par le trafic de stupéfiants. Le syndicat CGT tire la sonnette d’alarme en affirmant qu’il “ne se passe plus un jour sans que des incidents violents n’éclatent, en pleine journée comme la nuit”. Des projectiles lancés sur les bus, des jeunes agressifs qui montent à bord, des barrages installés par les dealers pour contrôler le quartier… Le quotidien des chauffeurs est devenu invivable.
“Il y avait un barrage filtrant qui était mis au sol avec des chariots, des palettes pour nous empêcher de passer”, raconte Laurent, obligé parfois de “zigzaguer” pour éviter les obstacles.
Laurent, chauffeur de la ligne 23
Samedi, Laurent a eu la peur de sa vie quand l’homme armé a surgi. “Je me suis dit : si les deux jeunes à l’intérieur aussi étaient armés, qu’est-ce qui se serait passé ? On aurait pu partir à une fusillade avec des gens à l’intérieur du bus…”. Un scénario cauchemardesque qu’il n’est pas loin d’avoir vécu.
Les syndicats appellent à la grève
Face à l’insécurité grandissante, les syndicats de la RTM sont à bout et brandissent la menace d’un mouvement de grève si des mesures ne sont pas rapidement prises. Pour les chauffeurs, il devient “de plus en plus difficile de travailler dans ces conditions”, comme le souligne Laurent, résigné.
La CGT réclame des moyens supplémentaires pour sécuriser les lignes de bus traversant les quartiers sensibles, avec notamment une présence policière renforcée. Mais au-delà, c’est toute la politique de la ville qui est remise en cause face au fléau de la drogue qui gangrène des cités entières. Les autorités parviendront-elles à reprendre le contrôle de ces zones de non-droit avant qu’un drame ne se produise dans un bus ou un tramway ?
La loi de la drogue et des armes dans les cités
L’incident de samedi illustre tristement la mainmise des réseaux de trafiquants sur certains quartiers de Marseille. Malgré plusieurs opérations coup de poing des forces de l’ordre ces derniers mois, les dealers continuent de faire régner leur loi dans les cités. Armés et sans foi ni loi, ils n’hésitent plus à s’en prendre directement aux transports en commun, symboles d’un service public qu’ils défient ouvertement.
Pour les habitants et les travailleurs de ces quartiers, la situation est devenue intenable. Pris en étau entre les trafiquants et une présence policière jugée insuffisante, ils se sentent abandonnés par la République. Les récentes émeutes urbaines qui ont secoué le pays montrent que la cocotte-minute peut exploser à tout moment dans ces cités laissées pour compte.
L’incident survenu sur la ligne 23 n’est malheureusement pas isolé. Selon une source policière, les agressions armées se multiplient depuis plusieurs mois dans les transports en commun marseillais, sans qu’une réponse ferme ne soit apportée pour l’instant. À force de fermer les yeux, les pouvoirs publics laissent les trafiquants étendre leur emprise sur la ville. Jusqu’où ira cette fuite en avant ? Il est urgent que l’État se ressaisisse et mette enfin les moyens pour assurer la sécurité de tous dans les quartiers gangrenés par la criminalité. Sinon, les chauffeurs de bus n’auront bientôt plus d’autre choix que d’exercer leur droit de retrait pour ne plus risquer leur vie au quotidien. Et les habitants, eux, continueront de subir la loi des dealers, faute de transports pour s’échapper de ces ghettos urbains livrés à eux-mêmes.