Il est un peu plus de minuit quand les sirènes déchirent la nuit marseillaise. Dans une rue du centre-ville, un homme s’effondre, touché de deux coups de couteau dans le dos. Les pompiers arrivent en urgence, le pronostic vital est immédiatement engagé. Une scène devenue tristement banale dans la cité phocéenne ? Peut-être, mais ce fait divers comporte déjà plusieurs particularités qui intriguent.
Une agression d’une rare violence au cœur de Marseille
Les faits se sont déroulés dans la nuit du 5 au 6 décembre 2025. Selon les premiers éléments recueillis, la victime, âgée d’une trentaine d’années, marchait seule lorsqu’elle a été abordée par un ou plusieurs individus. L’altercation a rapidement dégénéré. Deux coups précis, portés dans le dos au niveau de l’omoplate, ont transpercé profondément les chairs.
Les témoins, rares à cette heure-là, décrivent une scène rapide et brutale. L’agresseur (ou les agresseurs) a pris la fuite avant l’arrivée des forces de l’ordre. La victime, perdant beaucoup de sang, a été transportée en urgence absolue vers l’hôpital le plus proche. À l’heure où ces lignes sont écrites, son état reste critique.
Un homme déjà connu des services de police
Ce qui rend l’est tout autant, c’est le profil de la victime. L’homme n’en est pas à son premier contact avec la justice. Son casier judiciaire comporte plusieurs mentions, notamment pour des affaires de violences et de petite délinquance. Un passé qui, dans l’imaginaire collectif marseillais, renvoie immédiatement à la piste du narcobanditisme.
Mais, et c’est là que l’affaire devient plus complexe, les enquêteurs écartent pour le moment tout lien avec le trafic de stupéfiants. Une information surprenante quand on connaît la récurrence des règlements de comptes liés à la drogue dans la région. Les premiers témoignages et les constatations sur place orientent plutôt vers une rixe d’un autre ordre.
« À ce stade, rien ne permet d’établir un lien avec le narcobanditisme. Il s’agirait davantage d’un différend personnel ou d’une altercation qui a mal tourné », confie une source proche du dossier.
Marseille, ville où le couteau reste une arme trop courante
Ce drame vient rappeler que, même en dehors des guerres de territoires entre clans, la violence armée reste endémique à Marseille. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : en 2024, la préfecture de police recensait plus de 380 faits de violences avec arme blanche dans les Bouches-du-Rhône, dont une large majorité dans la cité phocéenne.
Le couteau, facile à se procurer, discret à porter, reste l’arme privilégiée des règlements de comptes comme des bagarres de rue. Et les blessures au dos, particulièrement lâches, sont malheureusement fréquentes : elles traduisent souvent une attaque par surprise ou une fuite de la victime.
Focus statistique 2024-2025 (sources police et justice) :
• +18 % d’agressions à l’arme blanche par rapport à 2023
• 49 homicides ou tentatives dans les BdR, dont 31 à Marseille
• 67 % des victimes touchées au torse ou au dos
• Âge moyen des auteurs présumés : 23 ans
Quelle piste privilégient les enquêteurs ?
Plusieurs hypothèses sont actuellement explorées. La première, et la plus probable à ce stade, serait un différend personnel. Dette non remboursée, jalousie, conflit de voisinage… les mobiles ne manquent pas dans une ville où les tensions couvent souvent sous la surface.
Une seconde piste, moins évidente mais pas écartée, pourrait être celle d’un vol qui aurait mal tourné. La victime, connue pour fréquenter des milieux parfois borderline, aurait pu être ciblée pour son téléphone ou son argent. L’absence de vol effectif (portefeuille et téléphone retrouvés sur lui) rend toutefois cette hypothèse fragile.
Enfin, certains policiers n’excluent pas totalement une erreur sur la personne. Dans l’obscurité et la précipitation, l’agresseur aurait pu confondre sa cible. Une théorie qui, si elle se confirmait, rendrait l’affaire encore plus glaçante.
La réaction des habitants : lassitude et colère
Dans le quartier où s’est déroulé le drame, l’ambiance est lourde ce matin. Les habitants, habitués aux sirènes de police, expriment une lassitude mêlée de colère. « On ne peut plus sortir après 22 heures sans risquer sa vie pour rien », confie une riveraine. Un autre ajoute : « On nous parle toujours de renforts policiers, mais on ne les voit jamais quand il faut. »
Cette énième agression relance le débat sur la sécurité dans les quartiers centraux, souvent perçus comme plus sûrs que les cités nord. Pourtant, les statistiques montrent que la violence s’est déplacée : les rues du centre-ville concentrent désormais presque autant d’agressions que certains quartiers sensibles.
Vers une nouvelle banalisation de la violence ?
Ce qui frappe dans cette affaire, au-delà de sa brutalité, c’est son caractère presque ordinaire. Un homme poignardé en pleine rue, un pronostic vital engagé, une enquête qui piétine… Nous avons vu cette histoire des dizaines de fois. Et c’est peut-être cela le plus inquiétant.
À force de répétition, la société finit par s’habituer. Les titres choc deviennent des faits divers parmi d’autres. Pourtant, derrière chaque coup de couteau, il y a une vie brisée, une famille en détresse, une ville qui s’enfonce un peu plus dans l’insécurité.
Au moment où Marseille tente de redorer son image à l’approche des grands événements sportifs et culturels à venir, ces drames nocturnes viennent rappeler que le chemin reste long. Très long.
L’enquête se poursuit. Les policiers visionnent les vidéos de surveillance, interrogent les rares témoins, explorent le passé de la victime. Peut-être que dans quelques jours, nous aurons des réponses. En attendant, un homme lutte pour sa vie entre les murs d’un hôpital marseillais. Et la ville, une fois de plus, retient son souffle.









