Au cœur des cités marseillaises, une menace planante pèse sur les chauffeurs de bus. Pris entre deux feux, ces derniers doivent composer avec la crainte quotidienne des représailles liées aux guerres de territoire que se livrent les narcotrafiquants. Une situation devenue intenable qui pousse nombre d’entre eux à modifier leurs itinéraires pour échapper aux risques de caillassage et d’intimidation armée à proximité des points de deal.
Chauffeurs de bus : une profession sous pression
Selon des sources proches de la régie des transports marseillais (RTM), les actes d’incivilité à l’encontre des conducteurs de bus sont monnaie courante dans certains quartiers difficiles de la cité phocéenne. Mais depuis peu, c’est une nouvelle forme de danger qui s’est invitée dans leur quotidien professionnel : la proximité des points de vente de stupéfiants.
« La crainte du chauffeur, c’est de se retrouver à côté d’un règlement de comptes », confie un responsable syndical sous couvert d’anonymat.
Un chauffeur de la ligne 23 en a récemment fait la désagréable expérience. Le 12 octobre dernier, alors qu’il circulait dans le quartier sensible de La Cayolle, il a été pris en chasse par un homme cagoulé circulant à scooter et armé d’un fusil. Ce dernier cherchait vraisemblablement à s’en prendre à deux passagers, identifiés comme des membres d’un gang rival. Une course-poursuite de plusieurs minutes s’en est suivie, plongeant le conducteur et ses passagers dans l’angoisse.
Des lignes de bus régulièrement ciblées
Malheureusement, cet incident est loin d’être isolé. Plusieurs lignes desservant les quartiers nord de Marseille sont régulièrement confrontées à ce type de problèmes. Il n’est pas rare que des individus montent à bord des véhicules pour contrôler l’identité des passagers, à la recherche de leurs ennemis.
« On est l’un des seuls services publics qui entrent encore dans ces quartiers », souligne un représentant du personnel.
Face à ces pressions récurrentes, la RTM se voit contrainte de réorganiser ses parcours. La ligne 23, par exemple, a récemment été détournée de son tracé habituel pour éviter de passer à proximité d’un point de deal de La Cayolle. Une mesure prise pour protéger la sécurité des 7000 usagers quotidiens et du personnel, mais qui pénalise les habitants.
Le trafic de drogue gangrène les cités
Au-delà des transports, c’est tout un pan de la vie des quartiers populaires qui est affecté par l’emprise grandissante des réseaux de stupéfiants. Jouant de la terreur et de l’intimidation, les narcotrafiquants imposent leur loi dans certaines cités, rendant la vie des riverains particulièrement difficile.
Les autorités, conscientes du problème, peinent cependant à endiguer le phénomène. Malgré les opérations de police régulières, les points de deal se reconstituent rapidement, souvent au même endroit. La crainte des représailles et la loi du silence qui règne dans ces territoires compliquent considérablement la tâche des forces de l’ordre.
En attendant que des solutions pérennes soient trouvées, les chauffeurs de bus marseillais restent en première ligne. Contraints de composer avec la peur au ventre, beaucoup s’interrogent sur leur avenir dans la profession. Car derrière les caillassages et les menaces armées, c’est le service public qui est directement visé et mis à mal par l’économie souterraine de la drogue.
Une situation préoccupante pour l’avenir
Le cas marseillais, s’il est particulièrement symptomatique, est loin d’être unique en France. De nombreuses villes sont confrontées à des problématiques similaires, avec des quartiers entiers sous la coupe des trafiquants de drogue.
Face à ce constat alarmant, il apparaît urgent que les pouvoirs publics prennent la mesure du problème et y apportent des réponses à la hauteur des enjeux. Car au-delà de la sécurité des conducteurs de bus, c’est la cohésion sociale et l’avenir de pans entiers de notre société qui sont aujourd’hui menacés par les dérives du trafic de stupéfiants.
Des politiques ambitieuses doivent être mises en œuvre, alliant répression ciblée des réseaux criminels et actions de prévention et d’insertion en direction des populations les plus exposées. C’est à ce prix que la République pourra réinvestir ces territoires délaissés et y faire revivre ses valeurs de liberté, d’égalité et de fraternité. Car personne ne devrait avoir à subir la loi des dealers, ni dans les transports, ni ailleurs.