InternationalSociété

Maroc : Procès En Appel D’une Militante Féministe Audacieuse

Une militante féministe marocaine jugée pour un t-shirt provocateur. Son procès en appel débute, mais quelle sera l’issue pour la liberté d’expression ?

Dans une salle d’audience à Rabat, une femme se tient droite, le bras en attelle, face à un système judiciaire qui pourrait redéfinir les limites de la liberté d’expression au Maroc. Ibtissame Lachgar, militante féministe de 50 ans, est au cœur d’une affaire qui dépasse les frontières nationales, attirant l’attention des défenseurs des droits humains. Condamnée à deux ans et demi de prison pour avoir porté un t-shirt jugé provocateur, elle incarne un combat pour les libertés individuelles dans un pays où la religion et la tradition pèsent lourd. Son procès en appel, qui a débuté récemment, soulève une question brûlante : jusqu’où peut-on défier les normes sans perdre sa voix ?

Un T-shirt au Cœur de la Controverse

Le point de départ de cette affaire remonte à juillet dernier, lorsqu’Ibtissame Lachgar, surnommée “Betty”, publie sur les réseaux sociaux une photo d’elle portant un t-shirt audacieux. Sur celui-ci, le mot Allah est suivi de la phrase “is lesbian” (“est lesbienne”). Ce slogan, repris d’un mouvement féministe international, vise à dénoncer le sexisme et les violences faites aux femmes. Mais dans un pays où l’islam est religion d’État, ce geste a été perçu comme une atteinte directe à la foi. La publication, accompagnée d’un texte critiquant les idéologies religieuses, a déclenché une tempête en ligne, mêlant indignation, menaces et appels à l’arrestation.

Le 3 septembre, un tribunal de première instance condamne la militante à 30 mois de prison ferme et une amende équivalant à environ 5 000 euros. Le motif ? Une “atteinte à la religion islamique” pour un message jugé offensant. Pourtant, Lachgar insiste : son intention n’était pas de viser l’islam, mais de s’attaquer aux structures patriarcales universelles.

“Ce t-shirt est un symbole féministe, utilisé depuis des années contre le sexisme. Il n’a aucun lien direct avec l’islam.”

Ibtissame Lachgar, lors de l’audience en appel

Un Combat pour la Liberté d’Expression

Le cas d’Ibtissame Lachgar n’est pas isolé. Il s’inscrit dans un contexte plus large où la liberté d’expression est régulièrement mise à l’épreuve au Maroc. Selon le Code pénal marocain, toute atteinte à la religion musulmane peut entraîner une peine de six mois à deux ans de prison, voire cinq ans si l’infraction est publique, y compris en ligne. Ce cadre juridique strict limite les débats sur des sujets sensibles, qu’il s’agisse de religion, de sexualité ou de politique.

Des organisations internationales, comme Human Rights Watch, ont dénoncé la condamnation initiale, qualifiant le verdict de “coup dur” pour les droits fondamentaux. Pour elles, ce procès illustre une volonté de réprimer les voix dissidentes, en particulier celles qui osent questionner les normes sociales et religieuses. La militante, elle, ne se démonte pas. Lors de l’audience en appel, elle a réaffirmé son engagement pour les libertés individuelles, malgré les risques.

La liberté d’expression ne se mesure pas seulement à ce qu’on peut dire, mais à ce qu’on peut oser défier.

Une Militante au Parcours Engagé

Ibtissame Lachgar n’est pas une novice dans le militantisme. En 2009, elle cofonde le Mouvement alternatif pour les libertés individuelles (MALI), une organisation qui milite pour les droits des femmes, la lutte contre la pédocriminalité et l’égalité des genres. Ses campagnes, souvent médiatisées, ont fait d’elle une figure controversée mais respectée dans les cercles progressistes. Psychologue clinicienne de formation, elle allie son expertise à son activisme pour défendre des causes jugées taboues dans la société marocaine.

Son engagement ne s’arrête pas aux réseaux sociaux. Elle a organisé des manifestations, lancé des pétitions et pris la parole publiquement pour dénoncer les violences faites aux femmes. Mais ce combat a un prix : menaces de mort, insultes et, désormais, une condamnation judiciaire. Pourtant, Lachgar reste fidèle à ses convictions, même face à l’adversité.

Une Santé Fragile, un Procès sous Tension

Lors de l’audience en appel, l’état de santé d’Ibtissame Lachgar a ajouté une dimension dramatique à l’affaire. Atteinte d’un cancer, la militante suit un traitement lourd et doit subir une opération urgente au bras. Sans cette intervention, elle risque une amputation. Apparue affaiblie en salle d’audience, elle portait une attelle, un symbole poignant de sa vulnérabilité physique face à un système judiciaire inflexible.

Son avocate, Naima El Guellaf, a plaidé pour une peine alternative, arguant que la santé de sa cliente devait primer. Mais le parquet, loin de faire preuve de clémence, a requis un alourdissement de la peine, invoquant une atteinte à “l’ordre public” et à la “quiétude spirituelle” des citoyens. Cette position inflexible a suscité l’indignation des soutiens de Lachgar, qui y voient une tentative de faire taire une voix dissidente.

Aspect de l’affaire Détails
Condamnation initiale 30 mois de prison et 5 000 € d’amende
Chef d’accusation Atteinte à la religion musulmane
État de santé Cancer, opération urgente nécessaire
Demande du parquet Alourdissement de la peine

Un Débat Sociétal plus Large

Ce procès dépasse le cas personnel d’Ibtissame Lachgar. Il met en lumière les tensions entre modernité et tradition dans une société marocaine en pleine évolution. D’un côté, une jeunesse connectée, influencée par les mouvements mondiaux comme #MeToo, réclame plus de libertés. De l’autre, des institutions attachées à des valeurs conservatrices cherchent à maintenir un ordre établi. Ce choc des visions se cristallise dans des affaires comme celle-ci, où un simple t-shirt devient le symbole d’un combat idéologique.

Les réseaux sociaux, où l’affaire a pris de l’ampleur, jouent un rôle ambivalent. Ils offrent une tribune aux voix marginalisées, mais exposent aussi leurs auteurs à des vagues de haine. Lachgar a reçu des menaces de viol et de lapidation, révélant la violence qui peut accompagner les débats sur la religion et le genre. Pourtant, ces mêmes plateformes permettent à ses soutiens de se mobiliser, amplifiant son message à l’échelle internationale.

“Ce jugement est un coup dur pour la liberté d’expression au Maroc.”

Human Rights Watch

Quel Avenir pour Ibtissame Lachgar ?

L’issue du procès en appel reste incertaine. Une relaxe ou une peine allégée serait perçue comme une victoire pour les défenseurs des libertés individuelles. À l’inverse, une condamnation plus lourde enverrait un signal inquiétant sur l’espace accordé aux voix dissidentes. Pour Lachgar, l’enjeu est double : préserver sa santé et continuer à porter son message.

Son cas illustre une réalité universelle : le militantisme est rarement sans coût. En défiant les normes, Lachgar s’expose à des conséquences graves, mais elle pave aussi la voie pour un débat plus large sur les droits humains. Son courage, malgré les menaces et les défis personnels, inspire ceux qui croient en un Maroc plus inclusif.

Un t-shirt peut-il changer une société ? Le combat d’Ibtissame Lachgar pose la question.

Une Affaire à Suivre

Le procès en appel d’Ibtissame Lachgar n’est pas seulement une bataille juridique. Il s’agit d’un moment clé pour tester les limites de la liberté d’expression dans un pays en pleine mutation. Alors que les regards se tournent vers Rabat, une question demeure : le Maroc saura-t-il concilier ses traditions avec les aspirations d’une société plus ouverte ?

Pour l’heure, Lachgar continue de se battre, portée par ses convictions et soutenue par ceux qui voient en elle une pionnière. Son histoire, loin d’être terminée, pourrait marquer un tournant dans la lutte pour les droits humains au Maroc. Et si un simple t-shirt devenait le symbole d’un changement profond ?

Passionné et dévoué, j'explore sans cesse les nouvelles frontières de l'information et de la technologie. Pour explorer les options de sponsoring, contactez-nous.