La visite d’État du président français Emmanuel Macron au Maroc cette semaine n’est pas passée inaperçue de l’autre côté de la frontière, en Algérie. Ses déclarations de soutien à la “souveraineté marocaine” sur le territoire disputé du Sahara occidental ont en effet provoqué l’ire de la presse algérienne, qui y voit un “mépris du droit international”. Un dossier explosif qui cristallise les tensions entre Alger et Rabat.
Le Sahara occidental, pomme de discorde entre Rabat et Alger
Ancienne colonie espagnole, le Sahara occidental est au cœur d’un conflit vieux d’un demi-siècle entre le Maroc, qui contrôle près de 80% du territoire, et les indépendantistes sahraouis du Front Polisario, soutenus par l’Algérie. Si l’ONU considère ce territoire comme “non-autonome”, le Maroc en a fait sa “cause nationale” et bataille pour faire reconnaître sa souveraineté.
C’est dans ce contexte que s’inscrit la déclaration d’Emmanuel Macron mardi devant le Parlement marocain, où il a affirmé que “l’avenir du Sahara occidental s’inscrit dans le cadre de la souveraineté marocaine”. Une position déjà exprimée par Paris mi-2022 dans une lettre adressée au roi Mohammed VI, mais qui cette fois a été énoncée avec force lors d’un déplacement officiel.
La presse algérienne crie au “mépris du droit”
Sans surprise, ces propos ont fait bondir en Algérie. “Macron bafoue le droit international”, s’est indigné le quotidien francophone El Watan. Selon le journal, le président français “en remet une couche… au risque de sectionner définitivement le fil d’Ariane qui le retient encore à Alger”. Une référence au retrait “immédiat” par Alger de son ambassadeur à Paris en octobre dernier, après que la France a dénoncé le “fait accompli colonial” marocain au Sahara occidental.
Le rapprochement entre la France et le Maroc s’est fait sur le dos du peuple sahraoui et sous l’impulsion des lobbies français hostiles à l’Algérie.
Le site d’information TSA
Pour TSA, autre média algérien, le soutien français au Maroc est un “marché de dupes” car “symbolique, sans aucune valeur juridique” au regard du droit international. “La récente décision de la Cour de justice de l’UE annulant les accords agricoles et de pêche entre le Maroc et l’UE est venue rappeler à tous que la souveraineté sur les territoires, ce ne sont pas les États qui la décrètent”, affirme le site.
Un risque d’escalade dans la région
Au-delà de la polémique, cette prise de position française ravive les tensions entre les frères ennemis du Maghreb. Déjà exécrables depuis la rupture de leurs relations diplomatiques en août 2021, sur fond d’accusations mutuelles de “provocations” et d'”actes hostiles”, les rapports entre Rabat et Alger sont au plus bas.
Un contexte explosif, alors que le cessez-le-feu de 1991 entre le Maroc et le Polisario est de plus en plus fragilisé sur le terrain. En soutenant plus fermement le Maroc, la France prend donc le risque d’attiser un peu plus les braises d’un conflit latent, au détriment d’une solution politique négociée que l’ONU appelle pourtant de ses vœux depuis des décennies.
Le Maroc, allié stratégique de Paris
Malgré ces critiques, Paris ne semble pas prêt à lâcher Rabat. Le royaume chérifien est en effet un partenaire clé de la France en Afrique du Nord, tant sur le plan économique que sécuritaire et migratoire. Les investissements français y sont considérables, tout comme la présence des entreprises tricolores.
Sur le plan géopolitique, le Maroc est aussi un allié précieux dans la lutte antiterroriste, ainsi qu’un pays de transit et de départ pour de nombreux migrants subsahariens cherchant à rejoindre l’Europe. Autant d’enjeux vitaux pour Paris qui, “malgré les tentatives de rapprochement de Macron avec l’Algérie depuis 2020, continue de perdre les quelques intérêts qui lui restent” dans ce pays selon le journal algérien Echourouk.
Vers un regain de tensions France-Algérie ?
Reste à savoir jusqu’où ira l’offensive diplomatique française en faveur du Maroc. Un soutien trop appuyé risquerait en effet de ruiner les efforts de réchauffement entrepris par Emmanuel Macron envers Alger, après des mois de brouille et une crise mémorielle toujours vive autour de la guerre d’indépendance.
D’après une source proche de l’Élysée, le président français devrait prochainement s’entretenir au téléphone avec son homologue algérien Abdelmadjid Tebboune. Un échange crucial pour tenter de calmer le jeu, alors qu’une visite d’État de Macron en Algérie, plusieurs fois reportée, est toujours dans les tuyaux. À condition que le dossier du Sahara occidental ne vienne pas une nouvelle fois polluer le climat.
