Dans les rues animées de Casablanca, une énergie nouvelle pulse. Depuis dix jours, des jeunes Marocains se rassemblent chaque soir, portés par une soif de changement. Leur slogan, #ViveLaJeunesse, résonne comme un cri de ralliement pour une génération qui refuse de se taire face aux injustices. Ce mouvement, initié par le collectif GenZ 212, dépasse les simples manifestations : il incarne l’espoir d’un avenir où santé et éducation ne seraient plus des privilèges, mais des droits garantis.
Un vent de révolte souffle sur le Maroc
Le Maroc vit un moment charnière. Depuis le 27 septembre, des manifestations secouent plusieurs villes du royaume, de Casablanca à Rabat en passant par Agadir. À l’origine de ce soulèvement, un collectif de jeunes, GenZ 212, qui s’est formé sur les réseaux sociaux. Ce groupe, qui se décrit comme apolitique et composé de « jeunes libres », appelle à des réformes profondes dans les secteurs de la santé et de l’éducation, tout en réclamant la démission du gouvernement actuel.
Le mouvement a pris une ampleur inattendue, mobilisant des dizaines de personnes chaque soir. À Casablanca, cœur économique du pays, les pancartes brandies par les manifestants ne mâchent pas leurs mots. L’une d’elles, particulièrement marquante, proclamait : « Wanted only alive : Aziz Akhannouch », visant directement le Premier ministre en poste depuis 2021. Ce dernier, dont le mandat touche à sa fin à l’automne prochain, est devenu le symbole des frustrations d’une jeunesse qui se sent négligée.
Une crise déclenchée par des tragédies
La colère des manifestants trouve ses racines dans un drame survenu à la mi-septembre. À l’hôpital public d’Agadir, huit femmes enceintes ont perdu la vie lors de césariennes, révélant au grand jour les failles béantes du système de santé publique. Cet événement tragique a agi comme un catalyseur, poussant la jeunesse à descendre dans la rue pour exiger des comptes.
« On est là pour nos droits fondamentaux. Tout le monde a une famille qui, un jour, aura besoin d’un hôpital. Et là, c’est la catastrophe », explique Reda, 27 ans, un manifestant qui préfère garder l’anonymat par peur des représailles.
Ce témoignage poignant illustre un sentiment partagé : l’accès à des soins de qualité et à une éducation digne reste un rêve pour beaucoup. Les hôpitaux publics, souvent sous-équipés et mal gérés, peinent à répondre aux besoins de la population. De même, le système éducatif souffre de disparités criantes, laissant de nombreux jeunes sans perspectives d’avenir.
GenZ 212 : une voix nouvelle et anonyme
Le collectif GenZ 212, à l’origine de cette mobilisation, intrigue autant qu’il inspire. Apparu récemment sur les réseaux sociaux, il se présente comme un mouvement spontané, sans affiliation politique. Ses fondateurs, dont l’identité reste inconnue, ont su fédérer une jeunesse en quête de justice sociale. Leur message, relayé massivement en ligne, appelle à une refonte des priorités du gouvernement.
Dans une démarche audacieuse, le collectif a adressé un message au roi Mohammed VI, demandant la révocation du gouvernement. Bien que ce texte ait été retiré, jugé non définitif, il a marqué les esprits par son ton direct. Cette initiative montre la volonté des jeunes de s’adresser aux plus hautes instances pour faire entendre leurs revendications.
Les revendications clés du mouvement :
- Amélioration immédiate du système de santé publique.
- Réformes pour un accès équitable à l’éducation.
- Transparence et lutte contre la corruption.
- Démission du gouvernement actuel.
Un gouvernement sous pression
Face à cette vague de contestation, le gouvernement tente de réagir. Le Premier ministre a exprimé sa volonté de dialoguer et de répondre aux attentes des jeunes. Cependant, pour beaucoup de manifestants, ces promesses sonnent creux. Reda, le jeune manifestant, résume l’état d’esprit général : « En quatre ans, rien n’a changé. Au contraire, la corruption et l’oppression ont empiré. »
Les critiques fusent contre un exécutif accusé de favoriser les élites au détriment des citoyens ordinaires. Les manifestants pointent du doigt un système où les richesses sont mal réparties et où les services publics, censés garantir l’égalité, sont laissés à l’abandon. Cette fracture sociale alimente un sentiment d’injustice qui pousse les jeunes à maintenir la pression.
Entre pacifisme et tensions
Le collectif GenZ 212 insiste sur le caractère pacifique de ses rassemblements. Pourtant, des violences ont éclaté dans certaines villes, notamment près d’Agadir, où trois personnes, dont un étudiant en cinéma, ont perdu la vie lors d’affrontements avec les forces de l’ordre. Les autorités ont justifié l’intervention des gendarmes par la « légitime défense », mais ces événements ont ravivé les tensions.
Ces incidents tragiques soulignent les défis auxquels fait face le mouvement. D’un côté, les manifestants souhaitent maintenir un discours non-violent pour légitimer leurs revendications. De l’autre, la frustration accumulée et les interventions musclées des forces de l’ordre risquent d’enflammer davantage les esprits.
Un mouvement qui s’essouffle ou qui s’enracine ?
Après dix jours de mobilisation, certains observateurs notent un léger essoufflement du mouvement, avec des rassemblements moins fournis dans certaines villes. Pourtant, la détermination des jeunes reste intacte. À Casablanca, Rabat et Agadir, les manifestations continuent d’attirer des citoyens de tous horizons, unis par un même désir de changement.
Le succès de ce mouvement dépendra de sa capacité à maintenir l’élan initial tout en évitant les dérapages. Les réseaux sociaux, qui ont joué un rôle clé dans l’organisation des manifestations, restent un outil puissant pour rallier de nouveaux soutiens. Cependant, la répression et la fatigue pourraient freiner cette dynamique.
Ville | Revendications principales | Incidents signalés |
---|---|---|
Casablanca | Réformes en santé et éducation | Aucun |
Agadir | Justice pour les décès hospitaliers | Violences, trois morts |
Rabat | Démission du gouvernement | Aucun |
Un appel à un avenir meilleur
Ce mouvement, porté par une jeunesse audacieuse, pose une question essentielle : le Maroc saura-t-il répondre aux aspirations de sa nouvelle génération ? Les revendications pour une santé accessible et une éducation équitable ne sont pas de simples slogans, mais des exigences fondamentales pour une société plus juste.
Alors que les manifestations se poursuivent, le dialogue entre le gouvernement et les jeunes sera crucial. Les promesses d’ouverture doivent se traduire par des actions concrètes pour éviter un durcissement du conflit. La jeunesse marocaine, avec sa détermination et sa créativité, a déjà prouvé qu’elle ne se contentera pas de paroles.
En attendant, les rues du Maroc vibrent d’une énergie nouvelle. Chaque soir, les pancartes s’élèvent, les voix s’unissent, et l’espoir d’un changement véritable grandit. Ce mouvement, encore jeune, pourrait redessiner l’avenir du pays, à condition que ses aspirations soient entendues.