C’est une entrée fracassante dans l’arène politique canadienne. Mark Carney, l’ancien gouverneur de la Banque centrale du Canada mais aussi de celle d’Angleterre, a annoncé jeudi sa candidature pour succéder au Premier ministre démissionnaire Justin Trudeau à la tête du Parti libéral. Une décision qui bouscule la course à la chefferie de la formation politique, alors que le nouveau leader sera connu dès le mois de mars.
Un banquier de renom international
À 59 ans, Mark Carney n’est pas n’importe qui. Cet économiste de formation, diplômé de Harvard et d’Oxford, a occupé les plus hautes fonctions dans le monde de la finance. Après avoir été pendant 5 ans à la tête de la Banque du Canada entre 2008 et 2013, il a ensuite pris les rênes de la Banque d’Angleterre, devenant le premier étranger à diriger la vénérable institution en ses 325 ans d’histoire.
Une expérience internationale hors norme qui lui confère une stature particulière, renforcée par son rôle clé pendant la crise financière mondiale de 2008. Mark Carney avait alors su manœuvrer avec doigté pour maintenir la stabilité de l’économie canadienne, épargnant largement son pays des turbulences qui ont secoué le reste du monde.
L’outsider qui veut « remettre l’économie sur les rails »
C’est justement sur son bilan et son expertise économiques que compte s’appuyer Mark Carney pour convaincre. Depuis Edmonton dans son Alberta natale où il a lancé sa campagne, il promet de « remettre l’économie canadienne sur les rails » et de tenir tête aux menaces protectionnistes du président américain élu Donald Trump, qui veut augmenter les droits de douane de 25%.
L’ancien banquier central se positionne en outsider, loin du sérail politique traditionnel, capitalisant sur sa réputation d’homme providentiel forgée lors de la dernière crise majeure. Un statut qui pourrait séduire au sein d’un parti libéral en quête de renouveau, alors que Justin Trudeau a jeté l’éponge sur fond de forte impopularité.
Je le fais parce que le Canada est le meilleur pays du monde, mais qu’il peut faire encore mieux.
Mark Carney, candidat à la chefferie du Parti libéral du Canada
Une compétition relevée en interne
Mais la partie est loin d’être gagnée pour Mark Carney. Car le ticket libéral pour les prochaines élections est très convoité, d’autant que le parti a encore toutes ses chances malgré son recul dans les sondages. Sa principale rivale n’est autre que Chrystia Freeland, l’ancienne vice-Première ministre qui a claqué la porte du gouvernement Trudeau en décembre et fait figure de grande favorite.
D’autres prétendants pourraient également venir bousculer la course, à l’image de la présidente du Conseil du Trésor Anita Anand ou du ministre des Affaires étrangères Mélanie Joly, deux poids lourds de l’équipe Trudeau. Sans oublier des personnalités hors gouvernement comme la mairesse de Montréal Valérie Plante.
La menace conservatrice de Pierre Poilievre
L’enjeu est de taille pour les libéraux, qui accusent pour l’instant plus de 20 points de retard dans les enquêtes d’opinion face au Parti conservateur emmené par Pierre Poilievre. Le jeune loup de la politique canadienne incarne une ligne dure face à laquelle Mark Carney a choisi l’offensive dès le premier jour, en l’accusant de porter des « idées naïves et dangereuses ».
L’élection du prochain chef libéral, prévue pour le 9 mars prochain, sonnera le coup d’envoi d’une intense bataille électorale, les législatives pouvant se tenir dans la foulée et au plus tard en octobre. Justin Trudeau laisse son camp dans une position délicate, pâtissant d’une côte de popularité en berne, plombé par la forte inflation, la crise du logement et des services publics.
Nous ne nous installons pas avec vous. Nous pouvons être amis mais des amis avec des avantages réciproques.
Mark Carney, répondant avec humour à « l’offre » de Donald Trump d’absorber le Canada
Pour Mark Carney, le défi est immense mais il compte sur son aura pour faire la différence. Quitte à manier l’humour et la répartie face aux provocations de Donald Trump, comme lorsqu’il a gentiment décliné cette semaine sur un plateau TV l’idée du président américain de faire du Canada « le 51e État ». Un premier round bien négocié pour celui qui espère désormais enchaîner les victoires jusqu’au poste de Premier ministre.