Une triste nouvelle vient de frapper le monde du 7ème art : l’actrice espagnole Marisa Paredes nous a quittés à l’âge de 78 ans, comme l’a annoncé l’Académie espagnole du cinéma. Figure emblématique du cinéma ibérique, elle était surtout connue pour sa collaboration fructueuse avec le réalisateur Pedro Almodovar, dont elle fut l’une des actrices fétiches.
Une carrière marquée par les films d’Almodovar
Née en 1946 à Madrid, Marisa Paredes accède à une renommée mondiale grâce au film Talons aiguilles de Pedro Almodovar, sorti en 1991. Dans ce long-métrage devenu culte, elle incarne Becky, une mère égoïste et capricieuse qui entretient une relation conflictuelle avec sa fille, jouée par Victoria Abril.
C’est le début d’une longue et fructueuse collaboration avec le cinéaste espagnol, pour qui elle tournera au total six films. Sous la direction d’Almodovar, Marisa Paredes s’impose comme une actrice capable d’interpréter des personnages complexes et torturés, souvent en proie à des passions dévorantes. Son jeu intense et son charisme magnétique en font rapidement l’une des comédiennes les plus demandées du cinéma espagnol.
Révélée par le théâtre et la télévision
Avant de faire carrière au cinéma, c’est sur les planches et sur le petit écran que Marisa Paredes fait ses premières armes. Formée à l’école d’art dramatique de Madrid, elle monte très tôt sur scène et obtient plusieurs rôles à la télévision espagnole dès les années 1960.
J’ai toujours aimé l’odeur des plateaux de théâtre, des loges. C’est là que j’ai attrapé le virus de la comédie.
– Marisa Paredes, dans une interview accordée en 2015
L’actrice révèle son talent comique dans des pièces du répertoire espagnol et des séries télévisées à succès. Remarquée par la profession, elle obtient ses premiers rôles au cinéma à la fin des années 1970 et collabore avec de grands noms comme Carlos Saura ou Manuel Gutiérrez Aragón.
L’inoubliable Becky de Talons aiguilles
Mais c’est bien dans Talons aiguilles que Marisa Paredes accède au statut d’icône du cinéma. Dans ce drame flamboyant, elle livre une performance éblouissante en mère indigne qui n’hésite pas à voler la vedette à sa propre fille. Odieuse et pathétique, drôle et émouvante, son personnage de Becky fascine par sa complexité et ses fêlures.
Le film obtient un immense succès critique et public, projetant Marisa Paredes sur le devant de la scène internationale. Son interprétation lui vaut d’être nommée au Prix Goya de la meilleure actrice, récompense suprême du cinéma espagnol.
Marisa possède une force incroyable, une capacité à exprimer les sentiments les plus extrêmes. Pour moi, elle incarne la quintessence de l’actrice almodovarienne.
– Pedro Almodovar, dans un hommage à la comédienne
Propulsée au rang de star, elle enchaîne alors les tournages et devient l’égérie du cinéaste, qui fera de nouveau appel à elle pour plusieurs de ses films, parmi lesquels La Fleur de mon secret (1995) et Étreintes brisées (2009).
Un talent reconnu au-delà des frontières
Mais le talent de Marisa Paredes ne se limite pas à sa collaboration avec Almodovar. Tout au long de sa carrière, l’actrice madrilène tournera avec des cinéastes de renom issus des quatre coins du monde:
- L’Israélien Amos Gitaï (Golem, l’esprit de l’exil, 1992)
- Le Français Philippe Lioret (Tombés du ciel, 1994)
- Le Chilien Raoul Ruiz (Trois vies et une seule mort, 1996)
- L’Italien Roberto Benigni (La Vie est belle, 1998)
Polyglotte et à l’aise dans des registres très différents, elle impose son style singulier, mélange de fragilité et de force, de fantaisie et de gravité. Capable de passer du drame à la comédie avec un naturel confondant, elle fascine les plus grands metteurs en scène, qui voient en elle une actrice caméléon.
Une actrice engagée et combative
Loin de se reposer sur ses lauriers, Marisa Paredes n’a eu de cesse de se renouveler et de repousser ses limites. Figure engagée, elle a souvent mis sa notoriété au service de causes qui lui tenaient à cœur. Militante de gauche, elle a notamment soutenu publiquement le mouvement féministe et la lutte pour les droits LGBT.
Elle a aussi lutté pour une plus grande reconnaissance des actrices dans l’industrie cinématographique, n’hésitant pas à dénoncer le manque de rôles intéressants proposés aux comédiennes de plus de 50 ans. Un combat qu’elle a mené avec l’énergie et la fougue qui la caractérisaient.
En vieillissant, les rôles se font plus rares pour nous les actrices. Il faut se battre, rester créatif, proposer des choses. C’est épuisant mais absolument nécessaire.
– Marisa Paredes, dans une interview donnée en 2018
L’héritage d’une icône du cinéma espagnol
Avec la disparition de Marisa Paredes, c’est un pan entier du cinéma espagnol qui s’en va. Actrice adulée et respectée, elle laisse derrière elle une filmographie impressionnante, riche d’une cinquantaine de longs-métrages. Mais plus qu’une simple comédienne, c’est une véritable icône que pleurent aujourd’hui ses nombreux admirateurs.
Incarnation de la femme almodovarienne, à la fois forte et fragile, sophistiquée et populaire, elle a durablement marqué de son empreinte le cinéma de son pays. Sa disparition laisse un grand vide, mais son talent et sa personnalité flamboyante continueront de briller à travers les films qui ont fait sa légende. Marisa Paredes, une actrice éternelle.