La disparition de Jean-Marie Le Pen, figure historique et controversée de l’extrême-droite française, n’a pas manqué de susciter des réactions contrastées. Alors que sa fille Marine Le Pen et le Rassemblement national sont en deuil, certains adversaires politiques ont organisé des festivités pour célébrer la mort du patriarche. Un comportement qui indigne la cheffe de file du RN.
Marine Le Pen fustige «l’ensauvagement» de la société
Interrogée par le JDD, Marine Le Pen n’a pas mâché ses mots pour condamner ces célébrations morbides, y voyant «le symptôme d’un ensauvagement» de la société. La finaliste de la dernière élection présidentielle déplore un manque «de décence, de respect» de la part d’une frange de ses opposants, notamment ceux du Nouveau parti anticapitaliste (NPA) qui ont organisé des rassemblements festifs.
Quand on ne respecte pas la vie, comme le font les délinquants, on ne respecte pas non plus la mort. Or, le respect de la vie va de pair avec celui de la mort.
Marine Le Pen
Pour la présidente du groupe RN à l’Assemblée nationale, ne plus respecter la mort, «c’est s’éloigner de la civilisation telle que nos aïeux et les générations précédentes l’ont bâtie». Un constat amer qui traduit, selon elle, une dégradation des valeurs et du vivre-ensemble.
Une classe politique pas toujours à la hauteur
Si Marine Le Pen ne souhaite pas instrumentaliser politiquement la mort de son père, elle n’en relève pas moins le comportement parfois ambigu de certains responsables politiques. Entre messages embarrassés et déclarations réprobatrices, les opposants du RN ont dû composer avec l’épineux héritage politique de celui qui fut pendant des décennies la figure de proue du Front national.
Toutefois, la candidate malheureuse à la présidentielle de 2022 dit avoir été «agréablement surprise» par les réactions d’une partie de la classe politique, saluant «ceux qui ont adopté» un «comportement» respectueux. Un soulagement pour celle qui a vécu une semaine éprouvante sur le plan personnel.
Cela me touche, cela touche ma famille, mais aussi tous nos électeurs.
Marine Le Pen
Le regret d’avoir exclu son père du FN
Malgré leurs différends et l’exclusion de Jean-Marie Le Pen du Front national en 2015, Marine Le Pen confesse qu’elle ne se «pardonnera jamais» cette décision qui a profondément meurtri son père. Un choix cornélien qu’elle assume, tout en s’interrogeant : «est-ce que j’aurais pu faire autrement ?».
Si elle regrette que son père se soit «enferré dans les provocations», Marine Le Pen n’en revendique pas moins l’héritage politique de celui qui a «transformé un groupuscule marginal en une véritable machine politique», selon les mots du politologue Jean-Yves Camus. Un parcours hors norme qui aura marqué durablement la vie politique française.
Une famille politique endeuillée
Au-delà des polémiques et des controverses, c’est une famille politique qui est en deuil. Fondateur du Front national en 1972, Jean-Marie Le Pen aura été pendant près d’un demi-siècle la figure tutélaire de l’extrême-droite française, avant de passer le flambeau à sa fille Marine en 2011.
Depuis, cette dernière s’est efforcée de «dédiaboliser» le parti, rebaptisé Rassemblement national en 2018, avec un succès electoral croissant. Finaliste de la présidentielle en 2017 et 2022, Marine Le Pen a su élargir l’audience de sa formation politique, tout en prenant ses distances avec les outrances verbales de son père.
Désormais orpheline politiquement, la députée du Pas-de-Calais va devoir composer avec l’ombre imposante de Jean-Marie Le Pen, tout en traçant sa propre voie. Un défi de taille pour celle qui incarne, avec sa nièce Marion Maréchal, la nouvelle génération du nationalisme français.
Un héritage politique complexe
Si Marine Le Pen a su gommer certains aspects sulfureux de l’héritage paternel, elle n’en demeure pas moins la dépositaire d’une vision politique qui continue de susciter la controverse. Fermeté sur l’immigration, défense de la «priorité nationale», critique de l’Union européenne : autant de marqueurs idéologiques qui font écho au combat politique de Jean-Marie Le Pen.
Pour autant, la cheffe de file des députés RN se démarque par un discours plus policé et une volonté affichée de respectabilité. Une stratégie payante électoralement, qui lui a permis de se qualifier à deux reprises au second tour de la présidentielle et de siéger avec 89 députés à l’Assemblée nationale.
Une semaine sous le signe du recueillement
Après les funérailles célébrées en petit comité ce samedi à La-Trinité-sur-Mer (Morbihan), Marine Le Pen aspire désormais à retrouver une forme de sérénité. Éprouvée par cette semaine chaotique, entre deuil familial et agitation politique, elle entend se consacrer à son mandat de députée et à la préparation des prochaines échéances électorales.
Car si la disparition de Jean-Marie Le Pen marque incontestablement la fin d’une époque, elle ouvre aussi un nouveau chapitre pour le Rassemblement national. Débarrassé de l’encombrante figure du patriarche, le parti à la flamme espère poursuivre sa mue en vue de conquérir le pouvoir. Un horizon qui semble encore lointain, mais que Marine Le Pen n’a pas renoncé à atteindre.
En attendant, la fille de Jean-Marie Le Pen se montre plus que jamais déterminée à défendre son héritage politique, tout en incarnant un nationalisme décomplexé mais respectable. Un équilibre subtil que la patronne du RN s’efforce de maintenir, non sans mal parfois, comme en témoignent les récentes polémiques sur son positionnement vis-à-vis de la Russie ou de l’Ukraine.
Quoi qu’il en soit, Marine Le Pen sait qu’elle devra composer avec l’ombre de son père, figure tutélaire mais embarrassante d’une extrême-droite française en pleine mutation. Un défi de taille pour celle qui incarne à la fois l’héritage et le renouveau du Rassemblement national.
