En Irak, un projet d’amendement législatif visant à abaisser l’âge légal du mariage pour les filles suscite une vive controverse. Suite à la mobilisation de la société civile, le Parlement irakien devrait bientôt examiner une version remaniée du texte, tentant ainsi d’apaiser les tensions.
Une proposition controversée sur le mariage des mineures
L’amendement en question, porté par une coalition de partis musulmans chiites conservateurs, avait pour objectif initial de permettre aux Irakiens de choisir entre les régulations étatiques et religieuses pour gérer leurs affaires familiales. Mais ses détracteurs y ont vu une tentative déguisée d’abolir l’âge légal du mariage fixé actuellement à 18 ans pour les filles, ouvrant ainsi la voie à des interprétations islamiques autorisant les unions dès 9 ans.
Face au tollé provoqué par cette proposition, les députés ont décidé de revoir leur copie. Selon une source parlementaire, le nouveau texte qui sera soumis au vote maintiendrait le seuil légal à 15 ans, avec possibilité de mariage à partir de cet âge sous réserve de l’accord d’un juge et des tuteurs.
Inquiétudes pour les droits des femmes
Au-delà de la question du mariage précoce, ce sont les droits des femmes dans leur ensemble qui préoccupent les organisations féministes en Irak. Amnesty International avait notamment mis en garde contre les risques de cette réforme :
Ces modifications pourraient ouvrir la porte à la légalisation des mariages non déclarés, souvent utilisés pour contourner l’interdiction du mariage des enfants, et supprimer des protections cruciales pour les femmes divorcées.
– Amnesty International
D’autres voix se sont élevées au sein de la société irakienne pour dénoncer ce qu’elles considèrent comme une régression. Sur les réseaux sociaux, le hashtag « Non au mariage des enfants » a rassemblé de nombreux témoignages :
Nous aspirons au progrès, pas à un retour en arrière. L’Irak a déjà tellement souffert, laissons au moins un avenir à nos filles !
– Témoignage d’une internaute irakienne
Le poids des traditions dans une société meurtrie
Si le sujet déchaîne autant les passions, c’est qu’il renvoie aux profondes divisions qui traversent la société irakienne. Malgré les efforts de reconstruction et de modernisation depuis la chute de Saddam Hussein en 2003, le pays reste profondément marqué par les années de guerre et de chaos.
Dans ce contexte, les structures traditionnelles, tribales et religieuses gardent une influence considérable, souvent au détriment des droits individuels, en particulier ceux des femmes. Les mariages arrangés et précoces demeurent une réalité pour de nombreuses jeunes filles, surtout dans les zones rurales et les milieux défavorisés.
La difficile reconstruction d’un Irak « moderne »
Au-delà de la question du mariage des mineures, c’est tout l’édifice juridique et social irakien qui peine à se reconstruire après des décennies de tourmente. Tiraillé entre volonté de réforme et pesanteurs du passé, le pays avance à petits pas sur le chemin de la modernisation.
Le sort réservé à cet amendement controversé sera donc scruté de près, tant il en dit long sur les défis auxquels est confronté l’Irak d’aujourd’hui. Au-delà des joutes politiques, c’est l’avenir de millions de jeunes filles et de femmes qui est en jeu.
Un débat sous haute surveillance
Dans ce climat tendu, les débats au Parlement s’annoncent animés. Outre le dossier du mariage des mineures, les députés devront aussi se prononcer sur un projet d’amnistie générale, autre sujet sensible dans un pays encore traumatisé par les exactions djihadistes.
Quelle que soit l’issue des votes, une chose est sûre : la société civile irakienne, en particulier ses franges jeunes et féminines, entend bien faire entendre sa voix. Sur les campus, dans la rue ou sur la toile, une nouvelle génération se lève pour défendre sa vision d’un Irak tourné vers l’avenir.
Reste à savoir si les législateurs sauront se montrer à la hauteur de ces aspirations. L’examen de ce projet de loi révisé sur le mariage des mineures sera un test révélateur du chemin qu’il reste à parcourir pour bâtir un Irak plus juste et plus équitable, où les droits de chacun seront pleinement respectés.