C’est un soulagement teinté d’inquiétude. Après près de 600 jours sans aucune nouvelle, les proches de Maria Kolesnikova, figure de proue de l’opposition bélarusse emprisonnée depuis 2020, ont enfin pu avoir un signe de vie. Des photographies montrant la jeune femme de 42 ans, amaigrie mais souriante, serrant son père dans ses bras, ont été publiées mardi sur les réseaux sociaux. Une rencontre en prison qui soulève de nombreuses questions sur les conditions de détention de cette ancienne flûtiste, condamnée à 11 ans de prison pour avoir osé défier le régime autoritaire d’Alexandre Loukachenko.
L’Opposante Bélarusse Sort de l’Ombre
Les images de Maria Kolesnikova, vêtue d’un uniforme de prisonnière, ont été partagées sur la messagerie Telegram par Roman Protasevitch, un ancien journaliste d’opposition lui-même emprisonné avant d’être gracié par le président Loukachenko. Selon le journal bélarusse Nasha Niva, l’environnement visible sur les photos correspond à l’hôpital de la prison de Gomel, dans le sud-est du pays, où l’opposante serait détenue.
Cette apparition soudaine, après des mois d’isolement total, suscite à la fois le soulagement et l’inquiétude parmi les soutiens de Maria Kolesnikova. “Je suis profondément soulagée qu’elle ait été autorisée à rencontrer son père”, a réagi Svetlana Tikhanovskaïa, cheffe de file de l’opposition bélarusse en exil. Tout en se réjouissant de ces retrouvailles, elle a accusé le régime de l’avoir “maintenue au secret pendant plus de 600 jours, affamée et isolée de sa famille”.
Un Engagement Politique au Prix Fort
Ancienne joueuse de flûte dans un orchestre, Maria Kolesnikova s’est imposée comme l’une des meneuses du mouvement de contestation historique qui a secoué le Bélarus en 2020, suite à la réélection controversée d’Alexandre Loukachenko. Aux côtés de Svetlana Tikhanovskaïa et Veronika Tsepkalo, elle a incarné l’espoir démocratique face à un régime en place depuis 1994.
Mais la répression brutale des manifestations a poussé des dizaines de milliers de Bélarusses à l’exil. Maria Kolesnikova, elle, a choisi de rester. En septembre 2020, elle est enlevée en pleine rue par les services de sécurité qui tentent de l’expulser de force vers l’Ukraine. Dans un geste désespéré, elle déchire son passeport à la frontière pour ne pas quitter son pays. Un acte de résistance qui lui vaudra d’être emprisonnée.
La Peur et l’Espoir
Les photos publiées mardi, si elles apportent un certain réconfort, soulèvent aussi de vives inquiétudes quant à l’état de santé de Maria Kolesnikova. Son apparence amaigrie et le cadre qui semble être celui d’un hôpital pénitentiaire laissent craindre des conditions de détention éprouvantes. D’autant que ses proches étaient sans nouvelles depuis février 2023 et redoutaient le pire.
L’apparition de ces clichés coïncide avec les récentes grâces accordées par Alexandre Loukachenko à des dizaines de prisonniers politiques, à l’approche d’une élection présidentielle prévue en janvier prochain. Un scrutin à l’issue duquel le dirigeant, au pouvoir depuis 30 ans, devrait sans surprise prolonger son règne. Mais pour les quelque 1 300 prisonniers politiques que compte encore le Bélarus selon l’ONG Viasna, dont Maria Kolesnikova est devenue le symbole, l’espoir d’une libération reste ténu.
Les retrouvailles en prison de Maria Kolesnikova avec son père, immortalisées par ces photos volées, offrent une rare lueur d’humanité dans la noirceur de la répression bélarusse. Elles rappellent aussi le prix fort payé par ceux qui osent défier l’autoritarisme. Un combat pour la liberté et la démocratie que l’ancienne flûtiste, aujourd’hui privée de musique, continue de mener depuis sa cellule. Avec pour seules armes son courage et sa détermination.