InternationalPolitique

Maria Corina Machado : Le Nobel de la Paix en Suspense

Maria Corina Machado doit recevoir demain le prix Nobel de la paix à Oslo. Problème : personne ne sait si elle a réussi à quitter le Venezuela où elle vit cachée depuis onze mois. Sa conférence de presse vient d’être reportée sans explication. Va-t-elle apparaître ? Le monde retient son souffle…

Imaginez la scène : demain, à 13 heures précises, dans la grande salle de l’Hôtel de ville d’Oslo, le monde entier aura les yeux rivés sur un siège qui pourrait rester désespérément vide. Celui de Maria Corina Machado, lauréate du prix Nobel de la paix 2025, toujours cachée quelque part au Venezuela après onze mois de clandestinité. Sa première apparition publique depuis janvier est attendue aujourd’hui… mais la conférence de presse prévue ce matin vient d’être reportée à une heure indéterminée. Le suspense est total.

Un Nobel sous haute tension

Quand le comité Nobel a annoncé, le 10 octobre dernier, que le prix de la paix était attribué à Maria Corina Machado pour ses efforts inlassables en faveur d’une transition démocratique au Venezuela, l’émotion a été immense dans les rangs de l’opposition. Mais très vite, une question pratique, presque triviale, s’est imposée : viendra-t-elle seulement le chercher ?

Empêchée de se présenter à l’élection présidentielle de juillet 2024, l’opposante de 58 ans avait disparu des radars publics dès le lendemain du scrutin, considéré comme frauduleux par une large partie de la communauté internationale. Depuis, plus aucune image, plus aucune vidéo. Seulement des messages audio diffusés sur les réseaux et des déclarations de ses proches.

Une conférence de presse repoussée sans explication

Ce mardi matin, l’Institut Nobel norvégien a envoyé un message laconique aux journalistes accrédités : « La conférence de presse avec la lauréate Maria Corina Machado, prévue aujourd’hui, va être repoussée. » Aucune raison officielle. Quelques minutes plus tard, le porte-parole Erik Aasheim tentait de rassurer : « Tout indique que nous réussirons à organiser une conférence aujourd’hui. »

« Tout indique que nous réussirons à organiser une conférence de presse aujourd’hui »

Erik Aasheim, porte-parole de l’Institut Nobel

Mais l’incertitude demeure. Le président du comité Nobel, Jørgen Watne Frydnes, a confié à l’AFP que la venue de la lauréate était « plus ou moins » confirmée. Un « plus ou moins » qui en dit long sur la fragilité de la situation.

Le risque d’être déclarée fugitive

Car quitter le Venezuela, pour Maria Corina Machado, revient à franchir un mur. Le mois dernier, le procureur général Tarek William Saab a été clair : si elle sort du territoire pour recevoir son Nobel, elle sera considérée comme fugitive. Une menace à peine voilée : à son retour, l’arrestation serait immédiate.

Lundi soir, le puissant ministre de l’Intérieur Diosdado Cabello jouait l’indifférence : « Je ne sais rien de ce voyage. » Une façon de dire que, officiellement, aucune autorisation de sortie n’a été délivrée.

La famille déjà sur place, l’angoisse intacte

À Oslo, l’attente est palpable. Plusieurs membres de la famille Machado sont déjà arrivés. Sa mère, Corina Parisca de Machado, 84 ans, confiait hier son émotion : « Je n’aurais jamais imaginé cela. Quand j’ai appris la nouvelle, j’ai pensé : Caramba ! Quel jour merveilleux ce serait. »

Ses trois sœurs et sa fille sont également présentes. Elles occupent des chambres au Grand Hotel, l’hôtel traditionnel des lauréats Nobel, placé sous haute protection policière norvégienne. Mais toutes partagent la même question : verront-elles Maria Corina demain sur l’estrade ?

Des chefs d’État solidaires

Plusieurs dirigeants latino-américains ont fait le déplacement. Le président argentin Javier Milei, proche idéologiquement de l’opposante, sera présent. Le président panaméen José Raúl Mulino a expliqué sa venue sans détour : « Je viens adresser de chaleureuses félicitations à cette héroïne de la démocratie et au peuple vénézuélien combatif. »

Un message d’espoir dans une région où le Venezuela reste une plaie ouverte.

Dernière apparition : 9 janvier 2025 à Caracas

La dernière fois que le monde a vu Maria Corina Machado en chair et en os, c’était le 9 janvier 2025, lors d’une grande manifestation à Caracas contre l’investiture de Nicolas Maduro pour un troisième mandat contesté. Ce jour-là, des centaines de milliers de Vénézuéliens avaient défilé derrière elle.

Puis plus rien. La répression s’est intensifiée. Des leaders ont été arrêtés, d’autres ont fui. Elle a choisi la clandestinité, continuant à coordonner l’opposition dans l’ombre.

Un prix qui dérange Caracas

Le régime chaviste n’a jamais digéré cette distinction. Nicolas Maduro y voit une provocation impérialiste. D’autant que la remise du prix coïncide avec un renforcement militaire américain dans les Caraïbes et des frappes sur des narco-trafiquants que Caracas présente comme une menace directe contre le pouvoir.

Machado, elle, a publiquement soutenu ces opérations anti-drogue, renforçant les accusations de collusion avec Washington.

Et si elle apparaît… que se passera-t-il ensuite ?

La question qui hante tous les observateurs : si Maria Corina Machado parvient à fouler le sol norvégien et à recevoir son prix, pourra-t-elle rentrer au Venezuela ? Ou deviendra-t-elle, comme tant d’autres opposants, une exilée définitive ?

Car le Nobel, aussi prestigieux soit-il, ne offre aucune immunité diplomatique pour le retour. Certains pays pourraient lui offrir l’asile. Mais elle a toujours dit qu’elle ne quitterait pas son combat sur place.

Demain, à 13 heures, le monde saura enfin si la chaise reste vide… ou si une femme de 58 ans, venue des ombres de la dictature, viendra chercher la lumière d’Oslo sous les applaudissements debout d’une salle comble.

D’ici là, Oslo retient son souffle. Et le Venezuela, dans l’angoisse ou dans la colère, attend le prochain chapitre d’une histoire qui n’a pas fini de s’écrire.

Peu importe l’issue, une chose est certaine : le nom de Maria Corina Machado est désormais gravé dans l’Histoire. Avec ou sans elle physiquement présente, ce Nobel de la paix 2025 restera comme celui de la résistance vénézuélienne face à l’autoritarisme. Un symbole plus fort que n’importe quelle absence.

Passionné et dévoué, j'explore sans cesse les nouvelles frontières de l'information et de la technologie. Pour explorer les options de sponsoring, contactez-nous.