La ville de Magdebourg est sur le qui-vive alors que l’extrême droite allemande et ses opposants s’apprêtent à descendre dans les rues ce lundi, seulement trois jours après l’attaque dévastatrice au véhicule bélier qui a endeuillé son marché de Noël. L’attaque, qui a coûté la vie à cinq personnes dont un enfant de 9 ans et blessé plus de 200 autres, a replacé les questions brûlantes de la sécurité et de l’immigration au cœur du débat politique, à deux mois des élections législatives anticipées.
Bien que les motivations exactes du suspect, un psychiatre saoudien quinquagénaire nommé Taleb Jawad al-Abdulmohsen, restent encore à éclaircir, ses propos contradictoires oscillant entre opinions anti-islam, frustration envers les services d’immigration allemands et adhésion à des théories complotistes d’extrême droite sur une prétendue « islamisation » de l’Europe, sèment le trouble. L’Arabie saoudite avait d’ailleurs alerté l’Allemagne à plusieurs reprises sur la dangerosité potentielle de cet individu, demandant même son extradition.
Une campagne électorale chamboulée
Cet acte innommable, dont les circonstances exactes restent à déterminer, marque indéniablement un tournant dans la campagne électorale allemande. Comme le souligne le quotidien populaire Bild :
Bien que le contexte du terrible attentat de Magdebourg n’ait pas encore été clarifié, une chose est claire : il y aura un « avant » et un « après » dans cette campagne électorale.
Jusqu’ici principalement axée sur la situation économique préoccupante de l’Allemagne, la campagne devrait désormais se recentrer sur les thématiques sécuritaires et migratoires, au grand dam du gouvernement Scholz déjà sous pression. L’Alternative pour l’Allemagne (AfD), parti d’extrême droite hostile aux migrants, compte bien surfer sur cette vague en organisant une manifestation cet après-midi dans la ville meurtrie.
Des contre-manifestants mobilisés
Face à cette tentative de récupération politique, une chaîne humaine à l’initiative du mouvement « Ne donne aucune chance à la haine » prendra forme au même moment sur les lieux du drame, encore jonchés de bougies et d’hommages aux victimes. Ces citoyens en colère dénoncent « l’instrumentalisation » de cet acte cruel et appellent à ne pas céder à la division.
Le gouvernement sous le feu des critiques
Au-delà de la bataille de rue, c’est aussi un affrontement politique qui se joue. Le gouvernement Scholz, critiqué pour sa gestion de la crise, a promis une enquête rapide et minutieuse pour faire la lumière sur d’éventuelles failles des autorités dans la prévention de l’attaque. Selon certaines sources, les compétences médicales du suspect surnommé « Docteur Google » par ses collègues étaient remises en cause. Les autorités locales sont aussi pointées du doigt pour ne pas avoir sécurisé un point d’accès du marché de Noël emprunté par le véhicule bélier.
À deux mois d’élections cruciales, le chancelier est plus que jamais sur la sellette. La ministre de l’Intérieur et des hauts fonctionnaires seront auditionnés fin décembre par la commission des affaires intérieures du Bundestag. L’opposition et une partie de l’opinion publique attendent des réponses. Comme le rappelle l’expert en contre-terrorisme Peter Neumann :
Un concept de sécurité est aussi solide que son maillon le plus faible. Si un point d’entrée n’est pas protégé, toutes les autres bornes en béton ne servent à rien.
Magdebourg, cité d’habitude si paisible, se retrouve malgré elle à la croisée des fractures qui traversent la société allemande. Entre colère légitime, risque de stigmatisation et tentations populistes, le défi des autorités sera de faire la transparence sur les circonstances du drame, d’en tirer les leçons, sans pour autant attiser les tensions. Un exercice d’équilibriste périlleux à l’heure où le pays retient son souffle avant des élections lourdes d’enjeux.