Alors que le Venezuela s’apprête à vivre un moment charnière de son histoire politique, avec l’investiture très contestée du président Nicolas Maduro prévue ce vendredi, l’opposition vénézuélienne a choisi de jouer son va-tout. Maria Corina Machado, figure de proue de la contestation, a en effet appelé à une grande manifestation ce jeudi, la première organisée depuis des semaines. Un rassemblement à hauts risques étant donné le déploiement massif des forces de l’ordre dans tout le pays, qui ont juré que l’investiture de Maduro se déroulerait « dans la paix » et la « normalité ».
Répression accrue et vague d’arrestations
Déterminée à empêcher toute perturbation, les autorités vénézuéliennes ont considérablement durci le ton ces derniers jours :
- Massivement déploiement des forces de sécurité, notamment dans la capitale Caracas
- Vague d’arrestations d’opposants, dont l’ex-candidat Enrique Marquez, accusé de comploter pour renverser Maduro
- Mise à prix de la tête d’Edmundo Gonzalez Urrutia, le candidat d’opposition qui revendique la victoire à la présidentielle de juillet, pour 100.000 dollars
Selon une source proche du pouvoir, quelque 150 personnes auraient été interpellées ces derniers jours, dont un présumé agent du FBI américain, soupçonné de préparer « une agression terroriste ». Carlos Correa, respecté directeur d’une ONG de défense des droits humains, figure aussi parmi les personnes appréhendées.
L’opposition déterminée malgré les risques
Face à cette répression, et au souvenir douloureux des grandes manifestations de 2014, 2017 et 2019 qui avaient fait plus de 200 morts, l’opposition veut malgré tout croire en ses chances de mobilisation. Maria Corina Machado, réfugiée dans la clandestinité, a martelé qu’il fallait « vaincre la peur » :
Nous savons que si nous sortons tous, par millions, comment quelques centaines ou quelques milliers de personnes armées peuvent-elles (battre) 30 millions de Vénézuéliens.
Maria Corina Machado, cheffe de l’opposition vénézuélienne
De son côté, Edmundo Gonzalez Urrutia, en exil en Espagne mais qui compte se rendre en République dominicaine ce jeudi, à une heure de vol de Caracas, a fait part de son intention de prêter serment à la place de Maduro vendredi. Un projet pour le moins incertain au vu des menaces des autorités.
Un pays sous haute tension
Au lendemain d’une élection présidentielle plus que litigieuse, lors de laquelle le Conseil national électoral a proclamé Maduro vainqueur sans publier les procès-verbaux des bureaux de vote, le Venezuela vit au rythme d’un bras de fer inédit entre pouvoir et opposition. Cette dernière affirme détenir les preuves de sa victoire avec 67% des voix, dénonçant « un régime qui se sait battu ».
L’annonce des résultats en juillet avait été suivie de manifestations spontanées durement réprimées à travers le pays, causant la mort de 28 personnes et faisant plus de 200 blessés. Depuis lors, la chasse aux opposants s’est intensifiée, avec plus de 2400 arrestations.
Pour Phil Gunson, de l’International Crisis Group, des groupes paramilitaires proches du pouvoir, surnommés « colectivos » et craints par une partie de la population, sont accusés de faire le « sale boulot » à la place des forces de l’ordre lors des manifestations.
Maduro toujours plus isolé
Alors que l’opposition appelle inlassablement l’armée, un des piliers du régime, à « baisser les armes », le président Maduro apparaît chaque jour un peu plus isolé sur la scène internationale. L’auto-proclamé « président ouvrier » a beau clamer que la « révolution est là pour longtemps », la rue comme les chancelleries étrangères semblent ne plus vraiment y croire.
C’est donc une véritable épreuve de force qui semble s’engager au Venezuela, alors que s’ouvre une séquence potentiellement décisive mais plus qu’incertaine, entre une opposition qui veut croire que « la tyrannie va tomber » et un pouvoir déterminé à s’accrocher, quitte à plonger le pays dans l’inconnu. Un bras de fer à hauts risques qui tient en haleine l’Amérique latine et au-delà.