Ce samedi, les rues de La Rochelle sont en ébullition. Plusieurs milliers de manifestants, dont “plusieurs centaines d’individus radicaux” selon les autorités, convergent vers le port pour protester contre les méga-bassines destinées à l’irrigation agricole. Un mouvement qui révèle les profondes fractures de nos sociétés sur les enjeux environnementaux et la gestion des ressources.
Méga-bassines : Le projet qui divise
Au cœur de la contestation, les “méga-bassines”, ces réservoirs géants destinés à stocker l’eau pour l’irrigation des cultures. Défendues par le monde agricole qui y voit un outil indispensable face aux sécheresses à répétition, elles cristallisent la colère des écologistes qui dénoncent un “accaparement de l’eau” au profit de l’agro-industrie intensive. Une opposition frontale qui se durcit de jour en jour.
Les méga-bassines sont un symbole d’une agriculture à bout de souffle qui refuse de remettre en question ses pratiques.
Julien Bayou, secrétaire national EELV
La Rochelle : Épicentre des tensions
C’est dans ce contexte électrique que La Rochelle est devenue, le temps d’un week-end, l’épicentre de la contestation anti-bassines. Venus de toute la France, les manifestants entendent dénoncer “l’accaparement” de l’eau par “l’agro-industrie“, mais aussi plus largement le modèle agricole productiviste.
Malgré l’interdiction préfectorale de manifester, des milliers de personnes se sont donné rendez-vous ce samedi, bien décidées à faire entendre leur voix. Parmi elles, des centaines de militants radicaux, des “black blocs” qui inquiètent les autorités. “Des risques d’affrontements et de dégradations sont à craindre”, a prévenu la préfecture.
Incidents et interpellations
Et les craintes se sont vite concrétisées. Dès le début d’après-midi, des dégradations ont été commises en centre-ville sur des abribus, une agence d’assurance et un supermarché. La tension est montée d’un cran quand le cortège a tenté de forcer un barrage policier pour accéder au port, provoquant des affrontements.
Le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin a dénoncé la présence de “nombreux éléments ultraradicaux” venus “pour casser”. Cinq personnes ont été interpellées selon le ministre qui assure suivre la situation “avec la plus grande vigilance”. Le spectre des violents affrontements de Sainte-Soline en mars plane sur la ville.
Les anti-bassines ne désarment pas
Malgré les incidents, les organisateurs se félicitent de la forte mobilisation, estimant la participation à plus de 6000 personnes contre 3500 selon la police. Une mobilisation qui traduit l’exaspération grandissante d’une partie de la population face à ce qu’elle considère comme une “confiscation” des ressources en eau.
Ce week-end, on est venus dire stop à l’accaparement de l’eau par une minorité. L’eau est un bien commun vital, pas une marchandise !
Melissa, militante de “Bassines non merci”
Une détermination qui ne faiblit pas malgré la fermeté des autorités. Les anti-bassines promettent de nouveaux rassemblements dans les prochaines semaines, bien décidés à poursuivre ce bras de fer avec le gouvernement et le monde agricole. La question de l’eau s’annonce comme l’un des dossiers brûlants de l’été.
La partie immergée de l’iceberg
Au-delà du dossier des bassines, cette mobilisation révèle les fractures béantes qui traversent notre société sur les enjeux environnementaux. D’un côté, un modèle agricole intensif, tourné vers l’exportation et la compétitivité. De l’autre, une aspiration grandissante à une écologie radicale, prête à en découdre pour défendre « les biens communs ».
Entre les deux, un fossé qui semble difficilement franchissable tant les visions du monde s’affrontent. L’eau, denrée vitale s’il en est, cristallise toutes les tensions et les peurs d’une société en plein doute. Les affrontements de La Rochelle ne sont que la partie immergée d’un iceberg bien plus profond.
Les anti-bassines posent les bonnes questions, même si je ne cautionne pas les violences. On ne peut plus continuer comme avant, il faut repenser en profondeur notre rapport à l’eau et à la terre.
Gilles, agriculteur bio en Charente-Maritime
L’urgence d’un dialogue apaisé
Face à cette situation explosive, l’urgence est à l’apaisement et au dialogue. Mais le fossé semble si profond entre les pro et les anti-bassines que la voie de la concertation paraît bien étroite. Pourtant, il y a urgence à renouer le fil du dialogue si on ne veut pas voir le pays s’enfoncer dans une spirale de violences et de radicalité.
Il faut sortir de la caricature et de la surenchère. Anti-bassines et pro-bassines, écologistes et agriculteurs, nous avons beaucoup plus en commun que ce qui nous divise. L’eau est notre combat à tous.
Nicolas, membre d’une association de concertation locale
Les événements de ce week-end à La Rochelle sonnent comme un signal d’alarme. Celui d’une société fragmentée qui peine à se parler et à trouver des compromis sur les défis écologiques. La gestion de l’eau, comme le climat ou la biodiversité, sont des enjeux trop vitaux pour être laissés à la seule loi du plus fort. Il y a urgence à construire de nouvelles formes de gouvernance partagée de nos ressources.
L’avenir n’est écrit nulle part. Entre la guerre de l’eau et la paix des bassines, la voie est étroite mais elle existe. Encore faut-il, des deux côtés des barricades, avoir le courage de s’y engager. Les images de La Rochelle doivent servir d’électrochoc. Avant qu’il ne soit trop tard.