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Manifestations à Port-Soudan : Les Soudanais s’opposent aux nouveaux billets de banque

Le Soudan, déchiré par la guerre, fait face à une nouvelle crise. Alors que le gouvernement émet de nouveaux billets de banque, la population se soulève. Les manifestants craignent une fracture supplémentaire entre les zones contrôlées par l'armée et celles tenues par les paramilitaires. Jusqu'où ira cette contestation ? Le pays...

Au cœur d’un Soudan meurtri par des mois de guerre civile, un nouveau front de contestation s’est ouvert. Dans les rues de Port-Soudan, devenue capitale de facto du pays, des dizaines de manifestants ont exprimé avec force leur opposition à la décision gouvernementale d’émettre de nouveaux billets de banque. Une mesure qui, selon eux, risque d’accentuer les fractures d’une nation déjà à genoux.

Port-Soudan, épicentre de la colère

Depuis le mois d’avril 2023, le Soudan est le théâtre d’affrontements sanglants entre l’armée régulière et les redoutables paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR). Un conflit qui a fait des dizaines de milliers de morts, déplacé plus de 12 millions de personnes et mis à genoux l’économie du pays. C’est dans ce contexte chaotique que le gouvernement, réfugié à Port-Soudan, a décidé de procéder à un remplacement partiel des billets de banque dans les zones sous contrôle de l’armée, situées dans le nord et l’est du pays.

Face à cette annonce, la colère gronde. Mardi, les rues de Port-Soudan ont été envahies par des manifestants brandissant des liasses de billets périmés et scandant leur mécontentement. «Qu’allons-nous en faire ?», pouvait-on entendre au milieu de la foule en colère. La vie économique de la ville était comme paralysée : commerces fermés, transports à l’arrêt, stations-service et commerçants refusant les anciennes coupures…

Le spectre d’une partition

Au-delà de la pagaille monétaire, c’est la peur d’un Soudan coupé en deux qui alimente la contestation. Car si l’armée contrôle le nord et l’est, les FSR règnent en maîtres sur la quasi-totalité de la région occidentale du Darfour ainsi que sur de larges pans du sud et du centre du pays. La capitale Khartoum est, quant à elle, le théâtre d’une lutte acharnée entre les deux camps.

En décrétant l’émission de nouveaux billets uniquement valables dans les zones sous son contrôle, le gouvernement est accusé de vouloir acter la partition du Soudan. Une crainte renforcée par la réaction des FSR qui ont immédiatement interdit l’utilisation de ces nouvelles coupures dans les régions qu’elles contrôlent, dénonçant un «complot visant à diviser le pays».

Une économie exsangue

Sur fond de guerre civile, l’économie soudanaise est en lambeaux. La plupart des banques ont mis la clé sous la porte, la valeur de la livre soudanaise a été divisée par cinq depuis le début du conflit, l’inflation galope… Dans ce contexte, la décision gouvernementale est présentée comme un moyen de «protéger l’économie nationale et combattre les agissements criminels».

Mais pour une population épuisée par des mois de privations et d’instabilité, cette mesure apparaît surtout comme un nouveau coup dur. Comment échanger les anciens billets quand les banques sont fermées ? Comment faire ses courses quand les commerçants refusent votre argent ? Comment circuler quand les transports sont à l’arrêt ? Autant de questions que se posent avec angoisse les Soudanais.

Prolongation du délai, une bouffée d’oxygène ?

Face à la bronca, les autorités ont dû reculer. Initialement prévu pour le 1er janvier, le remplacement des coupures de 500 et 1000 livres a été reporté au 6 janvier, afin de «permettre aux citoyens de terminer le processus d’échange facilement et en douceur», selon les mots du ministre de l’Information Khalid al-Aiser. Un sursis qui ne suffira sans doute pas à apaiser une population à bout de souffle.

Car au-delà de la question monétaire, c’est un pays au bord de l’implosion que révèlent ces manifestations. Tiraillé entre armée et paramilitaires, coupé de sa capitale, saigné par la guerre, le Soudan voit chaque jour un peu plus son unité menacée. Et dans les rues de Port-Soudan, c’est bien la survie de la nation qui est en jeu. Un combat pour l’intégrité du pays dont l’issue est chaque jour plus incertaine.

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