Dans une démonstration de force spectaculaire, des centaines de milliers de Bangladais ont envahi les rues de Dacca vendredi, brandissant drapeaux et banderoles aux couleurs du principal parti d’opposition. Leur message est clair : empêcher à tout prix “le retour des fascistes” au pouvoir, en référence à l’ancienne Première ministre controversée Sheikh Hasina.
Cette vague de protestation sans précédent ébranle le pays depuis la chute en août dernier du régime de Hasina, accusée par les défenseurs des droits humains d’avoir emprisonné et persécuté ses opposants politiques durant son long règne autoritaire. Aujourd’hui en exil, elle fait l’objet d’un mandat d’arrêt émis par la justice bangladaise.
Une révolution pour des élections libres et justes
Emmenés par le Parti nationaliste du Bangladesh (BNP), les manifestants sont descendus en masse dans les artères de la capitale pour exiger la tenue rapide d’élections générales transparentes. “Nous sommes ici pour protéger le droit de vote et empêcher le retour des fascistes”, a martelé Tarique Rahman, le vice-président du BNP s’exprimant depuis son exil au Royaume-Uni.
Le pays est actuellement dirigé par un gouvernement provisoire mené par le prix Nobel de la paix Muhammad Yunus. Ce dernier s’est engagé à réviser la Constitution et à organiser des élections, sans toutefois fixer de calendrier précis. Une situation qui inquiète l’opposition, craignant une reprise en main du pouvoir par les partisans de l’ex-dirigeante déchue.
Les manifestants sur leurs gardes
Mirza Fakhrul Islam Alamgir, le secrétaire général du BNP également en exil, a mis en garde la foule : “Sheikh Hasina a fui mais la conspiration continue. Ses associés complotent pour faire tomber le gouvernement. Il faut être très attentif”.
Les manifestants sont déterminés à ne rien lâcher tant que leur revendication principale, l’organisation d’un scrutin transparent et démocratique, n’aura pas été satisfaite. “Nous devons rester prudents. Si les autocrates sont partis, les forces du mal sont toujours là”, a insisté le numéro 2 du BNP Tarique Rahman, galvanisant les troupes.
L’ombre de Sheikh Hasina
Âgée de 77 ans, Sheikh Hasina a dirigé le Bangladesh d’une main de fer pendant près de 20 ans, étalés sur deux périodes (1996-2001 puis 2009-2024). Son bilan est entaché par les graves accusations d’exécutions extrajudiciaires, d’enlèvements et d’emprisonnements arbitraires visant ses opposants, portées par de nombreuses ONG.
Le 5 août 2024, acculée par un soulèvement populaire d’ampleur, elle a dû fuir en hélicoptère son palais envahi par les manifestants, pour se réfugier en Inde voisine. Malgré son exil, le spectre d’un retour de Sheikh Hasina et de ses partisans continue de planer sur le Bangladesh.
Une lutte cruciale pour l’avenir du pays
Cette mobilisation historique constitue un tournant décisif pour le Bangladesh. Le pays, l’un des plus pauvres et densément peuplés au monde, aspire à tourner la page de l’autocratie pour embrasser un avenir démocratique. Mais la route s’annonce semée d’embûches.
Le bras de fer entre les pro-démocratie et les nostalgiques de l’ancien régime promet d’être intense. La tenue d’élections crédibles, sous supervision internationale, apparaît comme la clé pour éviter le spectre d’un retour en arrière.
D’ici là, les regards du monde entier resteront braqués sur Dacca, où ce vendredi des centaines de milliers de voix ont clamé leur soif de liberté et de justice. Un cri du cœur qui résonne comme un avertissement pour les “fascistes” tentés de reprendre le contrôle de ce pays du sous-continent indien.