Belgrade, la capitale serbe, a été le théâtre d’une manifestation de grande ampleur ce vendredi soir. Des milliers de citoyens se sont rassemblés devant le siège de la Télévision nationale serbe (RTS) pour exiger une information objective et impartiale de la part de ce média public. Cette mobilisation intervient dans un contexte de colère et de deuil national suite à la tragédie survenue début novembre dans la gare de Novi Sad, où l’effondrement d’un auvent en béton a coûté la vie à 15 personnes.
Une marée humaine pour la vérité
Étudiants, familles, retraités… Ils étaient des milliers à défiler dans les rues de Belgrade, unis derrière une banderole proclamant : « Tout savoir, c’est votre droit ». Leur destination : le siège de la RTS, symbole d’une télévision publique accusée de manquer à ses devoirs d’objectivité et d’impartialité. Lampes de téléphones allumées, les manifestants ont observé une minute de silence poignante en hommage aux victimes de Novi Sad, avant de faire résonner leurs sifflets à l’unisson au moment où débutait le journal télévisé.
Émotion et détermination au rendez-vous de la manifestation de ce soir à Belgrade. Les Serbes réclament la vérité, rien que la vérité. #Serbie #RTSImpartial pic.twitter.com/nDbsjdVTkP
— Balkan News (@BalkanNews) January 18, 2025
La tragédie de Novi Sad, étincelle de la contestation
C’est le drame de Novi Sad qui a mis le feu aux poudres. Début novembre, l’effondrement d’un auvent en béton dans la gare de cette ville du nord du pays a fait 15 morts, seulement quelques mois après des travaux de rénovation. Cette tragédie a déclenché une vague de colère dans tout le pays, les Serbes réclamant que toute la lumière soit faite sur cet événement. Les étudiants ont pris la tête du mouvement, organisant des manifestations régulières et bloquant les facultés.
La RTS est le service public financé par les impôts et elle doit informer de manière objective, impartiale et dans l’intérêt des citoyens. C’est évident que la RTS ne le fait pas.
Aleksa Dragovic, étudiant en agriculture
L’incident de la voiture-bélier enflamme les esprits
La tension est encore montée d’un cran jeudi lorsqu’une voiture a percuté une étudiante qui participait au blocage d’un carrefour de la capitale. Grièvement blessée, la jeune Sonja est toujours hospitalisée. Le conducteur, soupçonné de « tentative de meurtre », a été arrêté. Depuis son lit d’hôpital, Sonja a reçu le soutien appuyé de Novak Djokovic, star planétaire du tennis et idole nationale en Serbie. Le numéro 1 mondial a brandi le prénom de l’étudiante sur sa raquette après sa victoire à l’Open d’Australie, un geste fort qui a ému tout le pays.
J’appelle à la paix et à la compréhension. Je suis entièrement contre la violence, mais malheureusement il me semble qu’il y en a de plus en plus dans les rues.
Novak Djokovic, joueur de tennis serbe
La justice se met en marche
Treize personnes, dont l’ancien ministre des Transports Goran Vesic, ont été inculpées par le parquet dans l’enquête sur le drame de Novi Sad. Mais pour les manifestants, ces arrestations ne suffisent pas. Ils veulent la transparence totale sur cette affaire et, plus largement, une information digne de ce nom dans leur pays. Face à cette fronde, le président Aleksandar Vucic et son gouvernement contre-attaquent en accusant l’opposition de manipuler les étudiants pour déstabiliser le pays.
Jusqu’où ira la contestation ?
La manifestation de vendredi soir marque une nouvelle étape dans ce bras de fer qui se joue actuellement en Serbie. D’un côté, un mouvement citoyen qui réclame vérité et transparence. De l’autre, un pouvoir qui crie au complot politique. Au cœur du débat : le rôle des médias, et en particulier du service public, dans une démocratie. Les prochains jours seront décisifs pour savoir si le gouvernement serbe saura entendre et répondre aux aspirations profondes exprimées par cette marée humaine. Une chose est sûre : la Serbie retient son souffle.
Au-delà de la tragédie de Novi Sad et des manifestations actuelles, c’est la question de l’indépendance des médias qui est posée avec force en Serbie comme dans de nombreux pays. À l’heure des « fake news » et de la défiance envers les journalistes, le combat pour une information libre et pluraliste est plus que jamais d’actualité. Les événements de Belgrade nous rappellent que c’est un droit fondamental pour lequel les citoyens sont prêts à se lever et à faire entendre leur voix. Un droit pour lequel il faut sans cesse se battre.