Tbilissi, la capitale géorgienne, est le théâtre de scènes surprenantes chaque soir depuis le 28 novembre. Au cœur des manifestations pro-européennes qui secouent le pays, les protestataires ont une arme de choix : les feux d’artifices. Des gerbes d’étincelles multicolores illuminent le ciel au-dessus des forces de l’ordre, tirées depuis des tubes en carton improvisés.
Si ces feux d’artifices artisanaux risquent de brûler les policiers, les manifestants les considèrent comme « la plus amicale » des façons d’exprimer leur colère, selon un jeune protestataire cagoulé de 22 ans. « Les autres méthodes seraient bien plus violentes », assure-t-il, alors que près de 300 personnes ont déjà été arrêtées pour avoir utilisé ces engins pyrotechniques contre la police.
Des manifestations déclenchées par le report de l’adhésion à l’UE
C’est la décision du gouvernement du parti Rêve géorgien de reporter le processus d’adhésion à l’Union européenne qui a mis le feu aux poudres. Ce choix est perçu par beaucoup comme une trahison et un signe de rapprochement avec la Russie voisine. Malgré la répression policière, qui utilise canons à eau et gaz lacrymogènes, les manifestants persistent.
« On a essayé les manifestations pacifiques pendant des années, ça a eu zéro effet », déplore Dato, un vétéran de la contestation âgé de seulement 28 ans. Lui qui manifeste depuis 4 ans n’avait jamais vu de feux d’artifices utilisés ainsi. Certains protestataires particulièrement inventifs ont même fabriqué des engins artisanaux impressionnants, ressemblant à des lance-flammes.
Les lasers verts pour « aveugler un peu » la police
Mais les feux d’artifices ne sont pas la seule arme des manifestants géorgiens. Ils utilisent aussi des lasers verts pour viser les visages des policiers anti-émeutes, surnommés « Robocops » en raison de leur équipement lourd. « On essaie de les aveugler un peu », explique Tsotné, 28 ans, son laser à la main. L’objectif : fatiguer les forces de l’ordre.
Ces lasers servent aussi à communiquer. En les projetant tous ensemble sur le bâtiment du parlement, les manifestants indiquent dans quelle direction se masser. Le spécialiste en la matière est David Dzidzichvili, chercheur de 38 ans. Avec son projecteur relié en wifi à son téléphone, il affiche des messages percutants sur les murs du parlement, déclenchant les cris de la foule.
Un bras de fer qui s’envenime
Malgré la violence de la répression policière, dénoncée par l’opposition, le médiateur du pays et des États occidentaux, les manifestants ne désarment pas. Quand la police leur intime de partir, la réponse fuse, projetée en lettres jaunes sur le parlement : « c’est au gouvernement de dégager ».
Ce bras de fer entre manifestants pro-européens et autorités géorgiennes semble parti pour durer. Feux d’artifices et lasers sont devenus les symboles d’une jeunesse déterminée à se faire entendre, quitte à prendre des risques. Jusqu’où cet arsenal festif et technologique les mènera-t-il dans leur lutte ? L’avenir du pays pourrait en dépendre.