En cette froide soirée de décembre à Tbilissi, capitale de la Géorgie, l’atmosphère est électrique. Des milliers de manifestants pro-Union Européenne se sont rassemblés devant le Parlement, scandant des slogans hostiles au pouvoir en place. Au cœur des tensions : un sapin de Noël géant, dont l’illumination prévue ce soir-là est perçue comme une provocation par les opposants, dans un contexte politique de plus en plus tendu.
Une présidentielle controversée, une « parodie de démocratie »
Quelques heures plus tôt, le pays a en effet vécu une élection présidentielle pour le moins houleuse. Mikheïl Kavelachvili, candidat du parti au pouvoir « Rêve géorgien » et ex-footballeur de renom, a été élu par un collège électoral boycotté par l’opposition. La présidente sortante pro-occidentale Salomé Zourabichvili a qualifié ce scrutin de « parodie de la démocratie », refusant de rendre son mandat tant que de nouvelles législatives n’auront pas été organisées.
L’illumination du sapin, la provocation de trop ?
C’est dans ce climat délétère que le maire de Tbilissi, Kakha Kaladzé, lui aussi membre du « Rêve géorgien » et ancien footballeur international, avait décidé de maintenir l’illumination du grand sapin installé devant le Parlement. Un geste perçu comme une véritable provocation par des opposants déjà remontés par la suspension jusqu’en 2028 des négociations d’adhésion à l’UE.
Huées, sifflets et photos de victimes
Devant une façade du Parlement parée de ses habits de lumière, les protestataires ont exprimé leur colère, huant et sifflant copieusement les responsables du pouvoir, traités « d’esclaves ». Certains ont brandi les portraits de victimes présumées de la répression policière lors des récentes manifestations. L’ambiance était à couteaux tirés quand, à l’heure prévue, le maire a annoncé le report de la cérémonie, prétextant l' »obstruction » des opposants.
Une petite victoire qui montre que le pouvoir en place ne peut pas tout faire comme il le veut. Il doit nous respecter et nous sommes ici debout avec un but.
Irina Matchavariani, manifestante et enseignante d’université.
Un symbole fort et une « petite victoire »
Pour les manifestants comme Irina ou Lasha, étudiant de 22 ans qui espère que le parti au pouvoir « s’en ira » à force de protestations, ce report est vécu comme un symbole fort. Une « petite victoire » certes, mais qui démontre que même sur un détail comme un sapin de Noël, la société civile pro-européenne est déterminée à ne rien lâcher face à ce qu’elle considère comme une dérive autoritaire du régime.
Le bras de fer se poursuit donc à Tbilissi entre le pouvoir, accusé de saborder le rapprochement avec l’UE, et une opposition qui réclame de nouvelles élections. Le sapin de la discorde, lui, attend toujours ses illuminations, symbole malgré lui d’une Géorgie déchirée et en quête de repères démocratiques. La fête est pour l’instant reportée. Jusqu’à quand ?