Le conflit entre l’État malien et les compagnies minières étrangères franchit un nouveau cap. D’après des sources proches du dossier, la justice du Mali a lancé cette semaine un mandat d’arrêt visant Mark Bristow, PDG du géant aurifère canadien Barrick Gold. Les faits qui lui sont reprochés ? Blanchiment de capitaux. Une inculpation lourde qui intervient dans un contexte déjà électrique, alors que la junte au pouvoir accentue la pression sur les entreprises exploitant l’or malien.
Barrick Gold dans le collimateur des autorités maliennes
Barrick Gold, c’est un mastodonte du secteur minier. La compagnie canadienne est copropriétaire avec l’État malien de l’un des plus grands complexes aurifères au monde : celui de Loulo-Gounkoto, situé dans l’ouest du pays. Un joyau dont les deux partenaires se partagent les parts, à hauteur de 80% pour Barrick et 20% pour le Mali. Mais voilà que leurs relations se dégradent brutalement.
Fin novembre, quatre employés maliens de Barrick Gold étaient inculpés et jetés en prison. Maintenant, c’est au tour du grand patron Mark Bristow d’être visé par un mandat d’arrêt national. Le dirigeant sud-africain n’est pas soupçonné de se trouver actuellement au Mali. Mais ce coup de semonce judiciaire n’en reste pas moins lourd de sens.
Un contentieux autour du partage des bénéfices
Si les détails exacts de l’affaire restent confidentiels, Barrick Gold a reconnu fin novembre l’existence d’un contentieux avec les autorités maliennes. Selon un communiqué du groupe, le litige porterait sur « la part des bénéfices économiques générés par le complexe et revenant à l’État ». En clair, Bamako estimerait ne pas recevoir son dû et soupçonnerait des malversations financières.
Les faits précis reprochés à Barrick Gold ne sont pas connus. Le contentieux touche à « la part des bénéfices économiques générés par le complexe et revenant à l’État », indiquait la société fin novembre.
La junte malienne resserre l’étau sur l’industrie aurifère
Cette offensive anti-Barrick Gold s’inscrit dans un contexte plus large. Depuis leur arrivée au pouvoir par la force en 2020, les militaires de la junte ont fait de la lutte contre la corruption et de la restauration de la souveraineté nationale sur les ressources leurs chevaux de bataille. Une rhétorique qui se traduit par un contrôle accru sur les compagnies minières étrangères, en particulier dans le secteur de l’or.
Et pour cause : l’or est une manne cruciale pour le Mali, pays parmi les plus pauvres au monde. Le métal jaune contribue à hauteur d’un quart au budget national et de trois quarts aux recettes d’exportation. Autant dire que le gouvernement compte bien en tirer le maximum de retombées, quitte à se montrer inflexible face aux géants miniers internationaux.
Tensions géopolitiques et avenir incertain
Cette pression sur les compagnies étrangères coïncide aussi avec le pivot stratégique opéré par la junte en direction de la Russie. En se détournant de ses partenaires traditionnels comme la France, le Mali joue une partition de plus en plus souverainiste et nationaliste. Une posture qui n’est pas sans inquiéter les investisseurs étrangers.
Dans ce bras de fer qui oppose Bamako à l’un des plus puissants groupes miniers mondiaux, l’avenir de Barrick Gold au Mali semble donc plus incertain que jamais. Reste à savoir jusqu’où ira la junte dans sa volonté de reprendre en main le secteur aurifère. Et si d’autres compagnies seront touchées par cette vague de tensions qui agite le paysage minier malien.