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Mali : Les Chinois Visés par le Jihad Économique

Les jihadistes du GSIM ciblent les entreprises chinoises au Mali pour affaiblir la junte. Quel impact sur l'économie et les relations internationales ? Découvrez la suite...

Imaginez un pays où l’or brille sous le soleil, mais où chaque éclat est menacé par des ombres armées. Au Mali, les jihadistes du Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM) ne se contentent pas de combats armés : ils mènent une guerre économique ciblée, visant particulièrement les entreprises étrangères, notamment chinoises. Cette stratégie audacieuse vise à déstabiliser la junte au pouvoir tout en fragilisant l’économie nationale. Comment ce conflit redessine-t-il les relations internationales et économiques du Mali ?

Une Guerre Économique aux Enjeux Mondiaux

Depuis plusieurs semaines, le Mali est le théâtre d’une offensive inédite. Les jihadistes, affiliés à Al-Qaïda, ne visent plus seulement les forces militaires, mais les piliers économiques du pays. Leur cible ? Les industries étrangères, en particulier celles opérées par la Chine, un partenaire clé de Bamako. Cette tactique, qualifiée de jihad économique, cherche à asphyxier l’économie malienne tout en défiant l’autorité de la junte militaire au pouvoir depuis 2020.

Le GSIM, considéré comme la principale menace dans le Sahel selon un rapport onusien, a multiplié les attaques contre des sites industriels. Sept d’entre eux, dont six exploités par des entreprises chinoises, ont été visés récemment. Ces assauts ne sont pas de simples actes de violence : ils visent à forcer les entreprises à payer des taxes de protection ou à quitter le pays, tout en sapant la légitimité du gouvernement.

Kayes, Cœur Stratégique de l’Or Malien

La région de Kayes, dans l’ouest du Mali, est au centre de cette stratégie jihadiste. Représentant environ 80 % de la production aurifère du pays, cette zone est un poumon économique vital. Elle sert également de corridor commercial vers le Sénégal, principal fournisseur du Mali. En août, les raids du GSIM dans cette région se sont intensifiés, touchant des sites industriels jusque dans le centre du pays, comme des usines chinoises de sucre près de Ségou.

Ce ne sont pas des griefs contre les Chinois, mais une logique de porter un coup à l’économie malienne.

Bakary Sambe, Directeur du Timbuktu Institute

Ces attaques ne sont pas isolées. En ciblant Kayes, le GSIM cherche à perturber les flux commerciaux et à asphyxier les ressources financières de la junte. En parallèle, le groupe a imposé un blocus sur cette région et celle de Nioro, à la frontière mauritanienne, bloquant l’approvisionnement en carburant importé depuis le Sénégal et la Côte d’Ivoire. Les menaces sont claires : brûler les citernes ou s’en prendre aux chauffeurs.

Les Chinois, Victimes Collatérales d’un Conflit Plus Large

Les entreprises chinoises, piliers des investissements étrangers au Mali, se retrouvent au cœur de la tourmente. Entre 2009 et 2024, les investissements privés chinois dans le pays ont atteint 1,6 milliard de dollars. Depuis 2000, le gouvernement chinois a injecté 1,8 milliard de dollars dans 137 projets, allant des mines aux infrastructures. Mais cette présence économique massive fait d’eux une cible de choix pour le GSIM.

Dans la région de Kayes, au moins 11 citoyens chinois auraient été enlevés lors des récentes attaques. Si Pékin n’a pas confirmé ce chiffre, son ambassade à Bamako a assuré maintenir un dialogue étroit avec le gouvernement malien pour assurer la sécurité de ses ressortissants. Ces enlèvements, combinés aux attaques contre les sites industriels, risquent de fragiliser les relations économiques entre la Chine et le Mali.

Pourquoi la Chine est-elle si exposée ?

  • Investissements massifs : La Chine est un partenaire économique clé depuis les coups d’État de 2020 et 2021.
  • Visibilité : Les projets chinois, comme les mines et usines, sont des cibles symboliques pour les jihadistes.
  • Stratégie du GSIM : Perturber l’économie pour affaiblir la junte.

Un Conflit aux Répercussions Internationales

Le Mali, sous la direction d’une junte militaire depuis 2020, a opéré un virage géopolitique majeur. Après avoir rompu avec l’ancienne puissance coloniale française, Bamako s’est rapproché de partenaires comme la Chine, la Turquie et la Russie. Cette dernière, via le groupe Wagner (désormais Africa Corps), fournit un soutien militaire, tout comme les blindés chinois et les drones turcs. Mais cette alliance hétéroclite est-elle suffisante pour contrer la menace jihadiste ?

Les attaques du GSIM ne se limitent pas aux intérêts chinois. Début juillet, trois employés indiens d’une cimenterie ont été enlevés dans l’ouest du pays. Une mine de lithium exploitée par des Britanniques à Bougouni, dans le sud, a également été visée, avec la mort d’un garde. Ces actions montrent que le GSIM adopte une stratégie large, visant toutes les entreprises étrangères pour maximiser l’impact économique.

La Junte Malienne face à un Double Défi

La junte malienne, qui prône une politique souverainiste, se retrouve dans une position délicate. D’un côté, elle doit contrer les attaques jihadistes pour protéger ses partenaires économiques. De l’autre, elle cherche à renforcer son contrôle sur les ressources naturelles du pays, comme en témoigne la prise de contrôle opérationnel de la mine d’or de Loulo-Gounkoto, la plus grande du Mali. Ce site, exploité par l’entreprise canadienne Barrick Mining, fait l’objet d’un différend fiscal de plusieurs centaines de millions de dollars.

Le GSIM ambitionne de créer un émirat capable de remettre en cause la légitimité des régimes militaires.

Rapport des Nations Unies, juillet 2025

En parallèle, le GSIM cherche à établir un émirat islamique appliquant la charia, défiant directement l’autorité de la junte. Ce projet, s’il se concrétise, pourrait bouleverser l’équilibre politique et économique de la région.

Un Équilibre Géopolitique Fragile

Les tensions au Mali ne se limitent pas à un conflit local. La rivalité entre les grandes puissances, notamment la Chine et la Russie, ajoute une couche de complexité. Si Pékin recherche la stabilité pour protéger ses investissements, Moscou, via ses mercenaires, semble prêt à exploiter l’instabilité pour renforcer son influence. Cette divergence d’intérêts pourrait compliquer la réponse malienne face à la menace jihadiste.

Pour la Chine, les attaques du GSIM risquent de compromettre des années d’investissements stratégiques. Les relations commerciales entre Bamako et Pékin, déjà fragilisées par les enlèvements et les attaques, pourraient pâtir davantage si la sécurité des sites industriels n’est pas garantie.

Acteur Rôle Impact des attaques
GSIM Jihadistes affiliés à Al-Qaïda Perturbation économique, enlèvements
Entreprises chinoises Investisseurs majeurs Sites attaqués, citoyens enlevés
Junte malienne Gouvernement militaire Légitimité contestée, défi sécuritaire

Vers un Avenir Incertain

Le Mali se trouve à un carrefour critique. Les attaques du GSIM, en ciblant les entreprises étrangères, ne menacent pas seulement l’économie, mais aussi la stabilité politique du pays. La junte, malgré ses alliances internationales, doit relever un défi de taille : protéger ses partenaires tout en affirmant son contrôle sur les ressources nationales.

Pour les entreprises chinoises, la situation est tout aussi complexe. Continuer à investir dans un pays en proie à l’insécurité pourrait s’avérer risqué, mais un retrait serait une victoire symbolique pour le GSIM. Quant à la population malienne, elle subit les conséquences d’un conflit qui dépasse les frontières, où l’or, le pouvoir et les ambitions géopolitiques s’entremêlent.

Ce jihad économique au Mali n’est pas seulement une lutte pour le contrôle des ressources : c’est un test pour l’avenir du pays et de ses relations avec le monde. La junte parviendra-t-elle à contrer cette menace ? Les partenaires étrangers, en particulier la Chine, resteront-ils engagés face à ces risques croissants ? L’avenir du Mali, entre richesse minière et instabilité, reste suspendu à ces questions.

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