C’est désormais officiel : la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA) aura définitivement quitté le pays le 15 novembre 2024. Cette annonce a été faite par le conseil des ministres malien dans un communiqué publié mercredi soir, confirmant ainsi la fin d’une présence onusienne de plus de dix ans dans ce pays d’Afrique de l’Ouest en proie à l’instabilité.
Déployée en 2013 pour faire face à la montée du jihadisme qui menaçait alors la stabilité du Mali, la MINUSMA a officiellement mis fin à ses activités fin décembre 2023, sur demande pressante de la junte militaire au pouvoir depuis le coup d’État d’août 2020. S’en est suivie une phase dite de “liquidation”, visant à remettre aux autorités maliennes ou à évacuer les derniers équipements de la mission, ainsi qu’à mettre un terme aux contrats en cours.
Un retrait définitif consacré
Selon le communiqué du conseil des ministres, cette phase de liquidation “prend fin le 15 novembre 2024 avec la rétrocession du camp de Bamako et le rapatriement de l’ensemble du personnel international civil, des contingents et des équipements, consacrant ainsi le retrait définitif de la MINUSMA”. Un retrait qui sonne comme un véritable tournant pour ce pays du Sahel, théâtre depuis plus d’une décennie d’une grave crise sécuritaire et politique.
Forte d’environ 15 000 soldats et policiers issus de plusieurs dizaines de pays, la MINUSMA avait pour mandat principal d’apporter un soutien au gouvernement malien dans ses efforts de stabilisation et de protection des civils. Mais sa présence était devenue de plus en plus difficile à maintenir depuis l’arrivée au pouvoir des colonels putschistes en 2020, qui ont progressivement pris leurs distances avec la communauté internationale.
Une mission onusienne controversée
Le bilan de cette mission onusienne est en demi-teinte. Si elle a contribué à une relative stabilisation du Mali pendant plusieurs années, notamment dans le nord du pays, elle a aussi été confrontée à de nombreux défis et controverses. Critiquée pour son manque d’efficacité face à la dégradation continue de la situation sécuritaire, la MINUSMA a également payé un lourd tribut, avec plus de 180 Casques bleus tués dans des attaques, principalement attribuées aux groupes jihadistes affiliés à Al-Qaïda ou à l’État islamique.
Mais c’est surtout la détérioration des relations entre la junte malienne et la communauté internationale qui a précipité le départ de la MINUSMA. Accusant l’ONU d’ingérence dans les affaires intérieures du pays, les autorités de transition ont multiplié les actes de défiance, allant jusqu’à exiger le départ immédiat de la mission en juin dernier. Une demande à laquelle le Conseil de sécurité de l’ONU a fini par accéder, non sans regrets.
Vers une nouvelle ère d’incertitudes
Le retrait définitif de la MINUSMA laisse planer de nombreuses incertitudes sur l’avenir du Mali. Privé de ce soutien international, le pays devra faire face seul aux multiples défis qui l’assaillent, alors même que les violences jihadistes ne montrent aucun signe d’essoufflement et que les tensions communautaires restent vives, notamment dans le centre et le nord du territoire.
Selon des sources proches du dossier, le départ des Casques bleus pourrait créer un vide sécuritaire dans certaines zones particulièrement instables, ouvrant la voie à une nouvelle expansion des groupes armés. Une situation qui inquiète les pays voisins, qui craignent des retombées négatives sur l’ensemble de la région sahélienne.
Le pari risqué de la junte malienne
En réclamant le départ anticipé de la MINUSMA, la junte militaire au pouvoir à Bamako a fait le pari audacieux de pouvoir assurer seule la sécurité et la stabilité du pays. Un pari loin d’être gagné d’avance, tant les défis à relever sont immenses pour ce pays parmi les plus pauvres au monde.
Selon des analystes, la rupture avec l’ONU s’inscrit dans la stratégie de reconquête de souveraineté prônée par les autorités maliennes, qui se sont aussi détournées de la France pour se rapprocher de la Russie. Mais cette politique de “Mali d’abord” comporte de nombreux risques, tant sur le plan sécuritaire qu’économique et diplomatique.
Le Mali s’engage dans une voie périlleuse en voulant faire cavalier seul. Sans l’appui de la communauté internationale, il sera très difficile pour les autorités de relever les immenses défis auxquels le pays est confronté.
– Un diplomate occidental en poste à Bamako
Le retrait de la MINUSMA marque donc un tournant majeur pour le Mali, qui s’apprête à ouvrir une nouvelle page de son histoire troublée. Reste à savoir si les autorités de transition sauront relever le défi de la stabilisation dans un contexte national et régional des plus complexes. L’avenir du pays et de tout le Sahel en dépend largement.