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Mahamat Idriss Déby Itno, promu Maréchal du Tchad comme son père

Mahamat Idriss Déby Itno, président du Tchad, vient d'être élevé au grade suprême de Maréchal, comme son illustre père avant lui. Quelles prouesses militaires lui ont valu cet honneur ? Que révèle cette décision sur l'avenir politique du pays ?

Dans une décision aussi symbolique que retentissante, le président de transition du Tchad, le général Mahamat Idriss Déby Itno, vient de se voir conférer par le Conseil national de transition (CNT) la dignité de Maréchal, le grade militaire suprême. Ainsi, à seulement 40 ans, celui qui dirige le pays depuis le décès brutal de son père en avril 2021, rejoint ce dernier au firmament de la hiérarchie militaire tchadienne. Une consécration qui soulève bien des questions sur les motivations réelles et les implications pour l’avenir du pays.

Un fils digne successeur de son père héroïque ?

Lorsqu’Idriss Déby Itno, au pouvoir depuis 30 ans, est mort «les armes à la main» en combattant les rebelles dans le nord du pays, c’est tout naturellement que son fils Mahamat, général quattro-étoiles, a pris sa succession à la tête d’un Conseil militaire de transition. Un passage de flambeau dynastique que le défunt maréchal-président semblait avoir soigneusement préparé et orchestré.

En élevant à son tour le fils au maréchalat, pour «services rendus à la nation» et les «nombreuses victoires militaires remportées», le CNT ne manque pas de souligner la continuité avec l’illustre père. Idriss Déby n’avait-il pas lui-même été fait Maréchal en 2020 suite à une offensive victorieuse contre les djihadistes de Boko Haram dans la région du Lac Tchad ?

Sur les traces de son père au front

Comme pour marcher dans les traces de son modèle paternel, le jeune président Déby a multiplié ces derniers mois les opérations militaires contre les groupes terroristes, n’hésitant pas à «conduire personnellement» les actions sur le terrain pendant plusieurs semaines. Un engagement physique au combat qu’il met en scène via des posts réguliers sur la page Facebook de la présidence, le montrant en tenue militaire en train de commander ses troupes.

Si les offensives tchadiennes semblent globalement victorieuses, elles n’empêchent pas de lourdes pertes comme celle d’une quinzaine de soldats dont des officiers supérieurs tombés récemment dans une embuscade de Boko Haram. Des revers qui ne font qu’exacerber la volonté du chef de guerre tchadien de mener la lutte sans merci contre les groupes djihadistes.

Rupture des accords militaires avec la France

Mais le nouveau Maréchal entend mener le combat à sa manière, quitte à bousculer des alliances de longue date. Ainsi a-t-il décidé récemment de suspendre les accords militaires liant le Tchad à la France depuis l’indépendance, dénonçant des textes «obsolètes» et plus adaptés aux menaces actuelles. Une rupture soudaine avec l’ancienne puissance coloniale qui marque la volonté d’émancipation et d’affirmation de souveraineté du jeune président.

Menace de retrait de la force multinationale

Dans le même esprit, Mahamat Déby a plusieurs fois menacé récemment de retirer les troupes tchadiennes de la Force multinationale mixte (FMM), créée en 1994 avec le Nigeria, le Niger et le Cameroun pour sécuriser la zone du Lac Tchad. Dénonçant la «passivité» de ses alliés dans la lutte antiterroriste, il entend là aussi reprendre la main et ne plus dépendre de partenaires jugés peu fiables ou insuffisamment engagés.

La stature de grand chef militaire, un atout politique

Au-delà de la lutte contre les groupes armés, on peut s’interroger sur la portée politique de l’élévation au Maréchalat du jeune président. En mettant en avant ses faits d’armes et son charisme de chef de guerre, Mahamat Déby cherche à asseoir sa stature d’homme fort incontournable, seul capable de défendre le pays face aux périls intérieurs et extérieurs.

Un atout précieux à l’approche d’échéances électorales cruciales comme les législatives et locales prévues en septembre, les premières depuis 2011. Même si la victoire du parti présidentiel MPS, ultra-dominant, ne fait guère de doute, le Maréchal-Président entend arriver en position de force et auréolé d’une légitimité renforcée.

L’armée, colonne vertébrale du pouvoir Déby

Plus largement, cette promotion vient rappeler, s’il en était besoin, la place prépondérante de l’armée comme colonne vertébrale du régime tchadien. Idriss Déby avait bâti son pouvoir et sa longévité sur le soutien indéfectible des forces armées, les plus aguerries et équipées de la région. En marchant dans ses pas, son fils entend perpétuer ce modèle d’un pouvoir militaire tout puissant, au risque de fragiliser un peu plus une démocratie déjà chancelante.

Ainsi, par cette consécration suprême au sein de la grande muette tchadienne, le Maréchal Mahamat Idriss Déby Itno confirme qu’il entend plus que jamais gouverner en «président des armées», privilégiant la réponse martiale et sécuritaire face aux immenses défis politiques, sociaux et économiques d’un Tchad en pleine transition. Reste à savoir si cette fuite en avant militaire sera viable sur le long terme et permettra de construire un Tchad pacifié et démocratique.

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